31/01/2013

Le gouvernement de la télé

Radio-Canada a déjà été un nid de souverainistes. Contractant la fièvre qui s'emparait des États-Unis dans les années 50, certains ont même accusé la société d'État d'abriter des méchants communistes à l'époque. Peut-être que c'est cette impression qu'auraient eu les Conservateurs en regardant la table ronde du Téléjournal de ce soir s'ils n'avaient pas été au pouvoir. Parce qu'il y avait quelque chose comme un front commun contre l'éloignée conservatrice, seule dans son écran de soixante-dix pouces, qui était palpable parmi les commentateurs de la gauche, du Devoir et du Parti libéral. Michel, Liza et Anne parlaient la même langue, et Tasha le chinois.

C'est peut-être d'abord et avant tout un "axe" qui reposait sur des chiffres, des données, ou tout simplement des arguments, contre une rhétorique qui sonnait faux. Tasha me rappelait par moment le lieutenant conservateur du Québec qui avait essayé ses figures de patinage artistique en entrevue à RDI. Anne-Marie lui avait répondu avec un rire léger mais glacial qu'il n'avait pas répondu à la question.

C'est peut-être aussi Céline, impeccable, qui hochait parfois de la tête en écoutant parler ses collègues sur le plateau en face d'elle et qui renvoyait la balle à la messagère du parti au trône. Après tout, elle devait être sensible au sort des chômeurs touchés par la réforme du régime d'assurance sociale, celle qui avait couvert des conflits en Afrique, qui avait porté le foulard pour ses reportages en Afghanistan. Quoi qu'il en soit, la situation crevait l'écran.

L'ironie, cruelle, réside dans le fait que Tasha est bel et bien la porte-parole de ceux qui nous gouvernent. Cette scène démontrait toute l'absurdité de la situation politique au Canada en 2013. Une quantité très importante de citoyens préfèreraient n'importe qui -Lino Zambito?- à la tête du gouvernement au robot qui est place depuis...plusieurs années. Et pourtant.

Le réflexe serait de dire que "nous avons les gouvernements qu'on mérite". Absolument. Mais pointons autre chose que nous, juste pour faire différent. La machine qui enfante des Stephen Harper, on parle ici de plusieurs choses abstraites comme la difficulté d'être représenté par un parti, notre mode de vie qui engourdit nos habitudes de citoyen, le système politique, médiatique, bref le système, enfante des hommes comme Stephen Harper, qui n'est qu'un poisson dans l'eau, le meilleur de tous. On doit saluer en ce sens la performance de politicien qu'il nous offre. Son gouvernement est franchement téméraire lorsqu'il teste les limites de notre tolérance. Les festivités commémorant 1812, par exemple, étaient fanchement un exploit de mauvaise communication politique. Mais bon, il y avait la tragédie comique à la ville de Montréal et un lock-out.

Espérons qu'Hubert d'Occupation double tiendra sa promesse de faire le saut en politique,  et qu'il saura me convaincre que je n'ai rien compris à ce qui se passe. Après tout, le cynisme est un fléau. Il est grand temps qu'un concurrent de la télé-réalité se lève pour nous inspirer à nouveau. Tasha se sentira moins seule.





22/01/2013

La peur du déluge

Lorsque Dieu s'est manifesté et que l'on a annoncé le retour de notre sport national au début de 2013, je n'avais aucune idée que le hockey du mardi soir Coors Light allait provoquer en moi autre chose que de la fébrilité, surtout pas cette émotion vive avec laquelle je viens de renouer, une "sensation dans la région" comme dirait l'autre. Tout à l'heure, RDS dédiait son reportage à Richard Garneau, rejoignant l'ensemble des témoignages élogieux qui avaient fait le spin médiatique des derniers jours.

À l'annonce de sa mort, j'ai retrouvé un sentiment qui m'a habité à plusieurs reprises dans ma vie de jeune adulte. Une admiration pour les Anciens qui nous quittent, doublée d'une crainte qu'ils emportent avec eux des valeurs à jamais perdues. C'est comme si regarder parler Richard Garneau me renvoyait en pleine face les travers de notre époque. Notre narcissisme démesuré. Nos penchants commorbides pour l'instantanéité et la facilité.

Je me découvre un côté conservateur. L'excellence ne compte plus pour les gens de mon âge. Être pessimiste, je dirais que nous sommes une génération perdue qui produit de la télé-réalité, des chefs improvisés et des retweets. À l'âge où Xavier Dolan tourne de longues publicités Nike sur son mal-être, Marie-Victorin peaufinait sa connaissance de la botanique en vue de l'écriture de son encyclopédie. J'exagère juste un peu.

Sont-ils vraiment derrière nous ces Anciens? Ceux qu'on voit dans les extraits de télévision des années 60 qui parlent un français riche et impeccable. Jacques Godbout, Bernard Derome, Gilles Vigneault et les dizaines d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit spontanément. Ou alors c'est ça le piège du conservatisme, des grognements face à ce qui vient, une nostalgie fondée sur un passé en partie inventé.

"Cette époque est la nôtre et nous ne pouvons vivre en nous haïssant" a dit un jour Albert Camus, probablement avec un grand soupir de soulagement après une séries de journées difficiles. Peut-être que Xavier Dolan a une vision profondément singulière, qu'il donne carte blanche à son intuition et qu'on devrait lui pardonner certains excès. Quant à la programmation du canal Zeste, si ça fait des soupers créatifs dans les chaumières québécoises les soirs de fin de semaine, qui s'en plaindra? On apprécierait seulement un peu de travail au niveau des onomatopés qui viennent combler les lacunes de vocabulaire.

On sera donc mesuré dans nos propos, qui peuvent parfois prendre les raccourcis du fatalisme. Si l'on souligne autant le départ de M. Garneau, c'est peut-être le signe que nous connaissons encore la valeur qu'ont l'humilité et la passion authentique chez un être humain. S'inquiéter de leur disparition me semle être un signe de santé collective. Le grand déluge de la modernité attendra.