08/11/2010

Désenchantés chacun à leur façon

Michel Houellebecq, gagnant du prix Goncourt, vit entre l'Irlande et l'Espagne afin d'éviter de payer des impôts.

Michel Tremblay, en entrevue la semaine dernière à Voir, affirme, malgré avoir détesté le cynisme et les cyniques depuis toujours, ne plus croire en aucun politicien. "Tous des menteurs" selon lui.

Denys Arcand avoue dans Philosophie Magazine ne pas suivre la politique ni être allé voter depuis trente ans. (Doit-on rappeler qu'il s'est d'abord fait connaître en partie pour ses documentaires engagés?)

Yves Michaud dit dans le dernier Urbania être désespéré de la nature humaine en voyant les banquiers et les financiers agir.

On peut entrevoir une équation épeurante dans les actes et les commentaires de ces personnages: Plus on est cultivé, plus notre société nous répugne.
Houellebecq serait le cas extrême, le déserteur, Michaud se situerait à l'autre pôle, transformant sa colère en action. Et entre les deux, des intellectuels désabusés.

Parce que rire de tout, surtout du plus navrant, est un devoir, il faut lire la savoureuse entrevue d'Alfonso Gagliano dans le "Spécial Crosseurs" d'Urbania en vente à partir de tout suite.

11/10/2010

Les grandes purges

Il y a quelques mois, je vous suggérais de répétez dix fois "iPod" sans interruption pour retrouver le sourire, ou même le sens de la vie, s'il existe. À la lecture de mon courrier et des nombreux fax que j'ai reçus depuis, je constate que mon lectorat semble précoccupé par le caractère très éphémère du remède proposé. Hélas, il n'y a pas que Mathieu Ricard qui est résilient, nos soucis le sont tout autant. Volumineuse, variée, vicieuse, la souffrance, on s'en passerait aisément. Je l'attaquerai aujourd'hui avec une assurance et un panache qui je l'espère, inspireront.

Le dernier numéro de Philosphie magazine titre en page couverture "Qu'est-ce qu'une journée réussie"? Ce lundi-là, dans la salle de mon cours de littérature du vingtième siècle, la réussite c'était la rupture avec la quotidienneté des cours magistraux. Vous savez, ces journées qu'on compte sur le bout des doigts quand on notre 9 à 5 c'est les bancs d'école: regarder un film en math, faire du bricolage dans un cours d'anglais, le prof de géo qui n'a jamais été absent depuis son arrivée au collège en 1934 mais qui l'est aujourd'hui etc. Vous savez, ces oasis luxuriants qui nous permettent de traverser le désert d'une année au secondaire. Ce n'était pourtant pas une absence, ni un film , mais bien le cours lui-même. Une activité d'écriture automatique. Une preuve de plus qu'il n'y a pas que des gens qui s'ennuient dans le monde parfois impénétrable de l'Art. En fait, plus on s'y initie, plus on comprend que c'est le contraire. Rembrandt, lui par contre, devait s'ennuyer. Aurait fallu que Pollock vienne pitcher des tâches de rouge sur ses toiles sombres. Mais je me perds. Mais c'est pas grave, je sens mes doigts se laisser séduire par l'écriture automatique.

Mais "qu'est-ce que c'est l'écriture automatique", me demanderont ceux qui ne le savent pas? Vous pourrez vous rabattre sur la définition que donne Wikipédia, ou plus simplement la compréhension que j'en ai: une sorte de trip -s'approchant de la transe dans les cas les plus extrêmes- durant lequel l'artiste délie son cerveau pour que celui-ci s'empare de sa main, laquelle noircira le papier comme bon lui semble. L'artiste, s'il a suivi l'ultime règle de ne rien vouloir contrôler de ce qui émane de son esprit, accouchera d'une boullie incohérente mais loufoque. Suis-je clair? L'exercice est très jouissif, et si l'art c'est votre affaire, vous verrez qu'il n'y a pas assez de jours dans une année pour libérez l'écrivain-automatiste qui sommeillait patiemment en vous.

Maintenant pour la portion croissance personnelle. Surmenés, fatigués, découragés? Votre carte de la bibliothèque municipale remplie ne vous permet pas de louer le 5e et le 6e tome de Guérir? Le DVD du Secret est déjà loué au club vidéo du coin? L'écriture automatique est pour vous. Le papier blanc sera votre punching bag. À la place de timides lignes noires Times 12, vous verrez jaillir de votre Bic -faîtes-le sur papier- la violence qui séjournait en vous et dont vous ignoriez l'existence...inquiétante. Une fois que l'exercice est complété, buvez une camomille, tout ira bien.

27/09/2010

On est jamais aussi universel que quand on parle de soi-même

Trop petite pour le monde, trop grande pour le Québec. C'est de cette manière qu'Urbania avait qualifiée Montréal dans le numéro spécial qui lui était consacré.

La géographie de notre province se résume grossièrement à une asymétrie, celle entre les régions et la "Grande ville". On dira qu'il y a Québec, en osant beaucoup Trois-Rivières, mais rien ne se compare véritablement à la réalité montréalaise, à l'effervescence de ses rues et de ses quartiers. Le fameux conflit conflit identitaire qui en découle, dit-on, est non seulement réel, mais inévitable. Il est vrai qu'on est toujours le produit de son environnement; la rue Laurier et le cinquième rang façonnent le même enfant de manières complètement différentes. Ce que je comprends moins c'est comment notre background peut avoir une emprise assez forte sur notre identité pour empêcher qu'on puisse se comprendre malgré nos différences. J'entends des poings de fédéralistes se crisper.

Excepté quelques individus qui alimentent et capitalisent sur un ressentiment qui serait autrement marginal, la déchirure québécoise, comme certains aiment la décrire, n'est rien de plus qu'un dialogue parfois difficile à établir. Cette fausse impasse se manifeste souvent au niveau culturel. Par exemple, le chanteur de Kaïn, suite à une critique négative de La Presse l'année passée, affirmait que son groupe représente les préoccupations des gens des régions, auxquelles la ville tourne le dos avec condescendance. C'est en entendant une telle réaction qu'on réalise qu'il s'agît de chicane plus que d'un réel conflit identitaire. En effet, cette revendication a comme une odeur de repli sur soi-même, d'amertume envers les snobs qui ne comprennent rien à leur musique, voire qui boudent leur propre plaisir.

Ce que j'ai trouvé réconfortant cette semaine, c'est une critique d'un spectacle de Jonathan Painchaud du Devoir et celles, unanimes, du dernier film de Robin Aubert. Elles ont enlevé de mon esprit les derniers doutes qui gardaient en vie l'idée de ces différences insurmontables. Je ne suis pas un fan d'Okoumé ni de son ex-chanteur, et je n'ai pas encore vu À l'origine d'un cri. Je sais seulement à quel genre d'univers on a affaire: des chansons aux textes simples, un film qui ne fait ni dans le cérébral ni dans l'expérimental. Vous me pardonnerez les clichés, ils ne font que servir mon propos. Les deux artistes sont honnêtes, parlent de ce qui les habitent sans être racoleurs. Ce sont des artistes, un point c'est tout. Leur message n'a pas besoin de représenter qui que ce soit. Ils sont la preuve que la qualité et l'intégrité font aisément disparaîttre la chicane que d'autres se plaisent à inventer.

20/09/2010

L'audacité de s'affirmer

En 1967, en 1976, il s'agissait de mettre un m majuscule à Montréal. Ne plus être ce petit point anonyme au nord de New-York sur la carte, tel était l'objectif. Plus qu'une question de gros sous ou que la seule entreprise d'un mégalomane, il s'agissait du nouvel acte de ce désir d'émancipation qui s'était emparé de tout un peuple depuis quelques années. Le stade a poussé, une île a émergé, on a fêté, appris, applaudi. C'était le début d'un temps nouveau.

Jouer dans la cour des grands voulait aussi dire pour Montréal de se mettre au diapason des métropoles nord-américaines qui vouaient un culte à l'automobile. En concevant les villes comme leurs subordonnées, il était logique de défigurer des quartiers entiers avec des boulevards dont la ligne d'horizon qui s'étendait à l'infini rappelait le Sahara. À chaque époque sa définition du progrès. L'écosystème du Montréalais est aujourd'hui ce qui se faisait de mieux...il y a un demi-siècle.

Montréal a besoin d'idées fraîches comme la chanson de Renée Claude est mûre pour être remixée. Outre le fait de répondre à des impératifs écologiques, la revitalisation de notre ville est une manière de se rappeler que l'utile peut rimer avec le beau et que le commode n'empêche pas l'inspiré. Il s'agît d'avoir de l'audace et d'y croire, pas d'une conviction d'utopiste. Une échelle plus humaine, des transports intelligents et une revalorisation du design ne sont pas que des tendances d'urbanistes écolos. C'est ce qui a fait la réussite des villes que l'on veut visiter, et sait-on, peut-être, où l'on ira s'établir. C'est ce qui fait qu'on est bien là où on habite. J'aurais aimé qu'on fasse confiance aux idées rafraîchissantes qu'avait Projet Montréal.

Ce qui était vrai durant la Révolution tranquille l'est tout autant aujourd'hui. Encore une fois, il est bel et bien question de se lever pour affirmer notre identité. Seulement qu'en 2010, le Bixi a remplacé la Chrysler, les espaces piétonniers, l'échangeur Turcot. Sommes-nous trop paresseux, comme l'a dit Marie-Claude Lortie, pour redonner à Montréal une âme, la sienne? Ne sommes-nous pas des créateurs, des hédonistes, des rêveurs? J'ai parfois l'impression qu'on se vautre dans l'évocation très confortable de la réussite de Céline et du Cirque du Soleil pour mieux se contenter de demeurer immobile ailleurs.

11/09/2010

Magazinage

Les magazines sont mon dada. En fait, ce sont les éditions spéciales des magazines consacrées à un sujet particulier que je ne peux m'empêcher d'acheter. Ce format permet d'effleurer un segment de l'Histoire, de pénétrer dans l'univers d'un personnage, ou encore de se poser des questions plus en profondeur. Malheureusement, le livre en prend un coup de nos jours en partie à cause de son frère cadet.

Je ne sais plus trop de qui est l'idée, mais la voici. Avec l'apparition des médias en continu, les journaux ont perdu leur monopole de relayeurs d'information au jour le jour, les poussant à se trouver une nouvelle raison d'être. D'où la métamorphose qu'a connue La Presse il y a quelques années. Les "grands" dossiers tels que "Trois nuits dans la peau d'un propriétaire de dépanneur" tapissent désormais l'espace qui était autrefois réservé aux simples nouvelles, quand ce n'est pas une publicité. C'est ce qu'on appelle la magazination des journaux. "Nivellement par le bas" est aussi approprié. Menacés, les magazines ont à leur tour répliqué en misant sur des numéros qui creuseraient un sujet plus en profondeur, allant ainsi jouer dans les plates-bandes de ce vestige du cambrien qu'est le livre.

Un calcul redoutablement juste. Nous évoluons dans un monde qui a horreur de la lenteur. Or le livre a le défaut de développer une idée, jusqu'au bout. Le magazine, lui, va à l'essentiel, synthétise. Pour quiconque a la curiosité affutée, dès lors, le magazine permet de bouffer un sujet beaucoup plus rapidement. Et de passer à un autre, et ainsi de suite. C'est -une partie de- l'histoire de ma vie. Une visite chez Multimags provoque à chaque fois une grave hémoragie dans mon compte en banque déjà leucémique.

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Deux suggestions qui ne viendront pas déranger les livres, des magazines qui le sont restés:

1. Philosophie Magazine regorge d'articles pertinents, éclairants et tout à fait digérables. Combien de fois faudra-t-il le répéter, n'ayez pas peur de la philosophie. Le numéro de cet été, toujours disponible, demande s'il est possible de changer de vie. Les témoignages d'un avocat devenu psychothérapeute, d'un alcoolique sauvé par Nietzsche et d'un photographe de mode devenu moine sont renversants. Et François Julien, spécialiste de la pensée chinois, sur la fiction qu'est le choix de changer de vie:

Q: À vous lire, on a le sentiment que rien n'est moins chinois que l'idée sartrienne de l'acte radical qui engage une vie...

R: Je constate que domine, en Europe, une conception de la vie à partir de l'action, et donc de la liberté qui permet ce choix. Cela nous vient de la praxis des Grecs, de l'épopée, du théâtre. On a appris à isoler un segment de conduite qu'on appelle l'action, avec un début et une fin (...) (les Chinois) ont affaire à de la conduite, à de la régulation, à du cours. (...) il est rare qu'on prenne la mesure de ce long travail qui a eu lieu à notre insu et qui est de l'ordre de la nuance.

2. Changement de décor, Monocle célèbre les villes, l'urbanisme, le beau, le design, et le luxe, celui des nouveaux-très-riches. Petite mine d'or, ce magazine britannique fondé par un Manitobain contient aussi des reportages inusités, comme celui de cet hiver sur une entreprise japonaise qui crée des polices d'écriture que s'arrachent des dizaines de clients à travers le monde. Perfectionnisme et minutie prennent un tout autre sens suite à cette lecture. À découvrir.

08/09/2010

Schizophrènes

Nous sommes les cobayes d'une expérience psychologique dont on ignore les conséquences à long terme tous les soirs depuis soixante ans. Certains sont devenus blasés ou insensibles, d'autres s'en sont sortis indemnes malgré les stimuli auxquels on les expose. C'est que la gamme d'émotions que nous font vivre ces stimuli est si vaste qu'on ne peut qu'en sortir émotionnellement bousillé, confus dans le meilleur des cas. Nous n'avons pas été programmés pour gérer une situation semblable.

Ils s'appellent François, Céline, Jocelyne, Pierre, Bernard. Ils sont les protagonistes de cette expérience: les nouvelles. Tous les soirs, une succession d'images et de sons nous informe de ce qui s'est passé dans le quartier, en région, à Gaza. Succession qui souvent à des airs de déjà-vu, comme si un chorégraphe s'affairait en coulisse à rendre la chose un brin assomante.

Les nouvelles sérieuses, les mauvaises, occupent l'essentiel de l'heure. On nous montre d'abord l'horreur, l'incompréhensible, le triste, l'ennuyant, le scandaleux. La ligne éditoriale, c'est elle la responsable de la brutalité des premières minutes. Puis un peu d'espoir à la quinzième minute, une étude vantant les mérites d'un verre de vin rouge par jour. Mais nous sommes-nous remis des images d'Haïti d'il y a quelques instants? De notre colère envers ces malfrats qui siffonent "nos taxes" alors qu'on leur demande justement d'en faire l'usage le plus avisé. On continue. Voilà qu'après l'étude sur le vin, on passe au glamour. C'est Mahée Paiement...dans une entrevue exclusive qui sera diffusée après La poule aux oeufs d'or, elle avoue ne plus être sûre d'aimer Patrick Huard. C'est vraiment durant cette période de transition que vous saurez si la meilleure métaphore pour votre stabilité émotionnelle est celle de l'équilibriste ou de la barque dans un ouragan. Mahée et Zampino dans la même demie-heure? Tenez-vous bien, on prédit un mélange semblable pour demain.

Parlant de prédictions, la météo. C'est ce segment qui m'a inspiré ce billet. Ce fragment de gaieté partagée par la lectrice et la présentatrice météo est l'apex de la déstabilisation émotive entamée depuis le début de l'heure. La complicité des tandems Jocelyne-Céline, ou Pierre et Colette, c'en est trop... Encore incommodé par la digestion des événements de la journée, on nous achève avec l'incohérence que sont les probabilités de précipitations à Whitehorse, le tout avec le plus troublant des sourires.

01/09/2010

O.K. Boss

Rolland a les bras couverts de tatoos. Contrairement aux autres employés de la cuisine, certains hispanophones, d'autres jeunes talents à peine sortis de l'école d'hôtellerie, Rolland parle un français qui laisse croire qu'il n'est pas resté longtemps sur les bancs d'école. Il machouille les mots plus qu'il ne les prononce. Il est à mi-chemin de la cinquantaine, mais on pourrait lui donner dix ans de plus et être certain de ne pas se tromper. Ses membres et sa tête sont usés par le temps. Les soixantes heures de sa semaine de travail, il les passe cloîtré dans sa plonge, entre deux gratte-ciels d'assiettes et un bazar de verres et d'ustensiles sales. Rolland a l'âge de mes parents, qui travaillent non loin du restaurant situé au coeur du quartier des affaires.

Faire la vaiselle de cent vingt-cinq personnes est un métier ingrat, je n'apprends rien à personne. Les ustensiles sales baignent dans une soupe de Chianti, lait tiède et eau pétillante, le bruit, la chaleur et la vapeur sont accablants, le rythme, infernal. C'est un métier pour lequel on devrait se dépêcher de créer les premiers robots intelligents. Le poste de Rolland est la plupart du temps occupé par des Indiens, Maghrébins ou encore Sri Lankais qui n'ont pu trouver mieux en arrivant ici. Eh oui, ce n'est pas qu'un cliché. Qu'a-t-il fait pour n'avoir aucune autre option à son âge que de se retrouver dans pareille merde. Écorché par le jeu, un problème de consommation, ou simplement la vie qui n'a pas été généreuse avec lui? Sais pas. Une chose est sûre, on ne choisit pas ce métier-là. Surtout à son âge qui devrait être celui de l'épanouissement professionnel et d'un certain confort. Surtout quand on est entouré de gens fringants faisant quatre, cinq fois son salaire et ayant trente ans en moins.

Ce soir, Rolland m'a envoyé chier parce que je ne poussais pas les assiettes assez loin pour qu'il puisse les atteindre. J'en étais encore à apprendre l'abc du fonctionnement du restaurant, je n'avais pas toute mon assurance. Son sermon m'a un peu ébranlé. Sûrement que d'autres l'auraient à leur tour envoyé chier et lui auraient fait comprendre que c'est eux qui mènent. Ils n'auraient pas eu complètement tort. Seulement, moi, ça m'en aurait pris plus qu'à l'habitude pour marquer mon territoire. Parfois, prendre un coup même s'il est injustifié, ça peut s'apparenter à du respect.

27/08/2010

Moi, mes baskets

Ça fait longtemps que je m'empêche d'écrire ce billet qui risque d'être hargneux parce que je fais partie des gens qui seront ciblés ici. Me censurer pour une telle raison est toutefois un peu ridicule, vous en conviendrez. Parce que ce qui bout en moi est, je crois, d'une pertinence criante. Alors sans plus tarder...

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Je n'ai pas l'ambition d'ouvrir le débat abyssal de la survie de la langue française. Je me contenterai de l'effleurer. D'abord, une remarque pour introduire mon propos. J'écoutais l'autre jour un débat dont la question était la suivante: Parlerons-nous français en 2050? De tout ce qui s'est dit, j'ai retenu une chose en particulier. Penser que le français pourrait complètement disparaître dans un avenir plus ou moins lointain est une fiction. Notre culture et notre identité sont trop bien implantées pour qu'un coup de vent appelé mondialisation les raie de la carte définitivement. Et vlan Jacques Godbout! Le danger bien plus réel et alarmant est que l'anglais contamine notre langue dans certains secteurs en particulier: qu'elle redevienne la langue de l'argent par exemple.

J'ajouterais à cet exemple celui tout aussi pernicieux de l'anglais comme langue cool de l'intelligentsia et de plus en plus de journalistes. Cet anglais des expressions, auxquelles on ne se donne plus la peine, lâchement, de trouver de substituts francophones, ou encore québécois. Je dis "ou québécois" parce que c'est tout aussi vrai du vocabulaire qu'on emprunte au grand frère d'outre-mer. Ça me laisse à chaque fois un arrière-goût amer que de croiser ces emprunts qui nient notre identité de façon si enthousiaste. Ce qui est décourageant, c'est que je n'ai même pas besoin de faire d'efforts pour trouver des exemples. Une seule édition du Voir nous en donne deux:

"C'est ici que j'en viens à cet article de l'hebdomadaire américain The Nation, reparu dans Le Courrier international. Le titre a tout de suite piqué ma curiosité: "Le continent noir ne se porte pas si mal"

Shocking"

Shocking? En français, on a un mot de sens voisin, "renversant". J'essaie de trouver la valeur ajoutée de shocking, je n'y arrive pas. Quelqu'un peut m'expliquer? Un deuxième exemple:

"Je me souviens avoir peine à y croire quand, quelques minutes plus tard, Miron s'assoit dans ma vieille Corolla 86- je prie intérieurement pour qu'elle ne tousse pas trop en chemin. Mettez-vous dans les baskets du jeune étudiant en littérature..."

J'ai beau me forcer, je ne me rappelle pas avoir entendu personne utiliser le mot "basket" au Québec depuis les vingt-trois années que j'habite cette terre. Ni caisse ou bagnole au lieu de char, ni fringue au lieu de vêtement. Comment elle s'appelle déjà la chanson, "Moi, mes baskets"?

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Ceci n'est pas une attaque en règle contre la Clique. Le problème a gangrené beaucoup plus qu'une bande d'artiste à foulard, même ses détracteurs les plus mordants. Il est partout. À la télé, dans les journaux, dans la bouche des commentateurs les plus estimés, les plus lus. Et dans la mienne, trop souvent.

Tout ça me fait penser au ptit-cul qui cherche l'approbation et l'affection des autres à la petite école. À une différence près. On peut lui pardonner les béquilles qu'il se trouve pour pallier à son manque d'estime de soi, chose qu'on ne peut permettre au peuple se devant un minimum de dignité que nous sommes.

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On respire un peu en écoutant Sparklehorse ou Diggy.

Erratum: Les vrais de vrais cinéphiles auront remarqué la faute dans Main dans la main: Sam Mendes n'a pas réalisé Forrest Gump, c'est à Robert Zemeckis qu'on doit le chef-d'oeuvre. Erreur corrigée.

24/08/2010

Main dans la main

Les mots accessoire, accompagnement et détail ont des définitions qui contredisent ce qu'ils sont réellement. Que serait un carré d'agneau au romarin sans son gratin dauphinois, une chemise de designer sans ses boutons de manchettes? De même, la tête d'affiche ne peut exprimer tout son talent sans ceux qui l'entourent, du trompettiste aux choristes.

Poignante dans Babel, réjouissante dans Amélie Poulain, la musique des grands films joue souvent un rôle crucial, parfois même le premier. La négliger peut être fatal à une oeuvre, j'en suis convaincu. L'héritage des films qui nous marquent est double. Ils nous lèguent personnages et scènes d'anthologie, mais aussi leur musique, qu'on écoutera en boucle pour se replonger dans leur magie à chaque fois.

À mon avis, on peut départager deux grands types de trame sonore: la compilations de hits, manière Forrest Gump, et celui beaucoup plus répandu qui donne à un film son ambience, disons l'oeuvre entière de Woody Allen. Dans les deux cas, impossible d'imaginer ce que seraient ces long-métrages sans la musique qui les "accompagne." Comment, en effet, Robert Zemeckis aurait-il pu réalisé une fresque des années d'après-guerre aussi vibrante sans l'aide de Joan Baez, des Stones et d'Aretha Franklin? Comment Allen aurait-il pu apporter cette touche de légèreté si singulière et essentielle aux tourments de ses personnages sans le jazz de la Nouvelle-Orléans?

La musique et le cinéma sont si intimement liés qu'on peine parfois à les dissocier. Une chanson nous mettra instantanément une scène en tête, imaginée ou existant réellement, et des images dicteront une ambience sonore. Parlez-en à Miles Davis à qui on confia la tâche de composer la trame sonore d'Ascenceur pour l'échaffaud. L'histoire allait contribuer à la légende du personnage: le trompettiste visionna le film une première fois, puis enregistra la musique d'un coup pendant qu'il le regardait la deuxième fois. Bon, faut dire qu'il était pas pire avec sa trompette et qu'on le disait doué pour l'improvisation.

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Le programme de science politique de l'Université de Montréal comporte nombre de cours aux effets soporifiques, mais Politique comparée trône seul au sommet de l'ennui qui achève immanquablement l'étudiant dès les premières minutes. Pourtant, l'objectif du cours est très pertinent: comparer des sytèmes politiques pour faire ressortir leurs différences, et ultimement leurs forces et leurs faiblesses. Un exercice qu'on peut utiliser pour parler de musiques de films, ici celles de The Shining et de Les Sept jours du Tallion. Comparaison extrêment intéressante pour deux raisons. Primo, parce que je m'évertue à vous expliquer le rôle essentiel que joue la musique dans le cinéma. Secundo parce le premier film est parfaitement inconcevable sans sa musique obsédante alors que le deuxième n'en a pas-genre, pas une minute avec de la musique. Et que ce sont à mon avis deux films également insoutenables.

Le crescendo de folie qui s'empare de Jack Nicholson dans le film de Kubrick ne serait pas aussi intense ni même crédible sans les bruits de violons stridents et autres curiosités sonores. Pareillement, l'action de certaines scènes est insignifiante mais la musique, omniprésente, les rend effrayantes. Juste l'ouverture du film pendant laquelle on voit une voiture s'aventurer dans les montagnes enneigées fait peur. Podz, lui, a adopté l'approche inverse: le silence lourd cède toute la place aux images insupportables. À bien y penser, son choix ne contredit pas ce que j'avance plus haut. L'absence totale de musique est une trame sonore en soi. Parce que le spectateur est dérouté, qu'il ne peut se dérober aux images qu'on l'oblige à voir. Le silence le plus opressant qui soit.

14/08/2010

Quatre fois plutôt qu'une

J'attendais ma facture de poulet au gingembre, j'élaborais le crime dans ma tête. Le restaurant était presque vide. Les propriétaires tombaient lentement dans un sommeil profond, au loin, sur une table bancale. Quand la tête de l'un tombait d'un côté, celle de l'autre se ranimait, et ainsi de suite. Il y avait là une valse ininterrompue, cadencée, qui aurait pu inspirer une scène mettant en vedette Louis de Funès. Mais mes neurones s'affairaient à une tâche plus éprouvante que de se régaler du spectacle loufoque. Car crime, il y aurait, incessament. J'allais m'emparer du plus grand nombre de fortune cookies possible avant que le serveur ne m'amène l'addition.

Quoi de plus grisant que d'avoir des prédictions, un destin qu'on nous explique en détail. Les fortune cookies me laissent toujours sur ma faim. "Tu vas vivre un moment de joie." Quel genre de moment? Gagner la loto ou tomber sur un cinq piasse dans la rue? Hériter de la Mustang 64 bleu azur d'un lointain cousin dont j'ignorais l'existence où voir un documentaire très intéressant sur les Mustang 64. Mangeur de biscuit cherche prédictions précises.

J'ai réussi à m'emparer de quatre biscuits, juste avant que Chan le serveur ne revienne en coup de vent par derrière. À mon grand étonnement, c'est un signe, leur contenu est assez cohérent. Voici ce qui était marqué sur les bouts de papier:

"Exposez votre nature créative"
"Personne ne le fait mieux que vous"
"Vos talents seront reconnus et récompensés"
"Vous avez un esprit actif et une imagination débordante"

Ce qui est formidable, c'est que j'ai vraiment eu quatre fois l'effet d'un seul message. Maintenant la question que je me pose: y'a-t-il un nombre plafond de messages de fortune cookies qui ont cet effet sur nous. En d'autres mots, est-ce que l'excitation s'émiette à mesure qu'on brise les biscuits. Parce que sinon j'envisage de me brancher la tête à un soluté de petits bouts de papiers de sagesse.

09/08/2010

Les outsiders

Je n'ai jamais rencontré un seul supporter de Berlusconi. La grossièreté scandaleuse du personnage est tellement admise et consensuelle que je n'hésite plus à poser de questions concernant les allégeances politiques des Italiens à qui je parle.

Pourtant, un mystère demeure: pour gouverner, il faut des votes, et donc des partisans-on m'a toujours dit que j'étais très cartésien. J'ai demandé récemment à mon ami de Rome qui votait pour Il Cavaliere, mais surtour pour quelles raisons ils le faisaient. La réponse fut déconcertante, décourageante. Selon lui, la politique emmerde les électeurs de Milan à Palerme. Les gens préfèrent voter pour un personnage flamboyant, pour un dirigeant qui à défaut d'avoir des idées et un minimum d'intégrité va donner un bon spectacle. Décourageant je vous disais. Je m'en suis tenu à cette explication qui me paraissait extrêmement convaincante; franchement, je ne peux imaginer un autre candidat qui égalerait le bouffon milliardaire. En termes de spectacle, c'est un broadway cinq étoiles, ou une tragédie grecque, à vous de choisir.

Imaginons un scénario complètement rocambolesque. Disons un ancien champion de culturisme autrichien. Il débute sa carrière dans des films de série B mettant en vedette des mitraillettes automatiques, des pitounes et lui qui jette des couteaux et des regards intimidants à ses ennemis. Sa carrière se résume à des rôles si stupides mais parfaitement joués qu'on se questionne sur le quotient de l'acteur lui-même. C'est le même homme qui quelques années après avoir inscris son nom sur le Walk of Fame finit par gouverner l'État le plus populeux des États-Unis. Essayez d'imaginer l'irréalité de cette histoire. Moi non plus je ne peux la concevoir.

Si Arnold s'est faufilé contre toutes attentes jusqu'au siège de gouverneur de Californie, c'est que les électeurs s'emmerdaient autant que leurs semblables italiens. Dans l'isoloir, ils ont sûrement dû se dire à quel point ça serait cool que Terminator soit à la tête de leur État. Parce que les autres inconnus, sont plates, on s'en fiche. Si la gauche comme la droite répètent le même discours, si la politique ne règle plus les problèmes, pourquoi ne pourrait-elle pas être divertissante après tout?

Pareil pour Laraque. Sa nomination est un autre signe de cette tendance de la politique-spectacle. De l'érosion du débat d'idées. Certains me diront que sa notoriété fera avancer les Verts. Moi je pense que les indécis qui entendront parler l'ancien goon des Canadien sauront pour qui ne pas voter. À Christiane Charette cet hiver, le numéro 17 faisait la promotion d'un documentaire sur le mauvais traitement qu'on inflige aux animaux. Je n'était pas vivant du temps de Brigitte Bardot mais je crois que les rhétoriques étaient du même niveau. C'était lamentable.

Le cas de Laraque est pareil à une différence près. Ce qui ne fera pas progresser les siens, c'est qu'il n'a tout simplement pas la prestance du politicien. La prestance, l'image, c'est ce qui a permis aux deux autres de se faire élire. C'est malheureux pour lui, mais on ne peut s'enlever de la tête l'image de la sympathique brute qui cogne avec un plaisir réjouissant sur ses rivaux.

Maintenant Wyclef. Sans le chemin tracé par ses prédécesseurs, on aurait trouvé saugrenu qu'un rappeur multimillionnaire se propose pour sauver son pays de l'enfer. Pourtant, son élection n'a rien d'impossible. Même que plusieurs observateurs lui donnent de bonnes chances de gagner. Comprenez-moi bien, je ne mets pas les scènes politiques d'Haïti, d'Italie, du Canada et de la Californie dans le même panier. Seulement, il est évident que les moeurs politiques ont changé. Un peu comme les humoristes qui s'inventent des qualifications, des outsiders prennent la place des politiciens pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

04/08/2010

Charles-Albert likes La langue française

"(...) je m'inquiète beaucoup pour les "jeunes de ma génération." Comme jamais, en fait. Aussi pessimiste que ça puisse paraître, je me demande quel héritage nous laisserons à nos descendants. Que retiendront-ils de notre engagement? Quelques CD des Cowboys Fringants et une dizaine de groupes Facebook contre la faim dans le monde? Un vieux T-shirt du Che de chez American Apparel et des tweets en anglais sur la langue française? Des bacs à recyclage remplis de boîtes d'emballage de iPad?

Et qu'écrira-t-on à notre sujet dans les manuels d'histoire? Qu'on a fait la révolution du web 2.0? Qu'on est sortis dehors en 2004 pendant la grève étudiante, mais qu'on est rentrés au plus crisse parce qu'on avait peur de compromettre notre session? Qu'on a eu beaucoup de courage durant la crise du verglas?

(...)

Peut-être que ce sont les jeunes qui n'ont plus d'illusions."

Ouais. Moi aussi je me les pose ces questions. Je n'ai pas la fibre du militant, je le sais. Plus du type à me poser des questions jusqu'à la dernière minute face au téléviseur diffusant les images de la manifestation. Comme ça s'est réellement passé en 2004. Je me demande si j'aurais eu la même distance face aux événements si j'avais vécu l'effervescence de la fin des années 60.

Dans No Logo, Naomi Klein parle des corporations qui sont venues à bout de leur ultimes ennemis, leurs détracteurs, en leur donnant l'illusion de mener une lutte qui n'en a gardé que le nom et les apparences. Le spécimen-type c'est justement celui qui porte un chandail de guérillero fait en Chine qui tweet son mécontentement sur son iPad. Une contradiction criante, décourageante. Un nouvel avatar de la gauche-caviar? Oui.

Les manifestants, les vrais, ceux qui vont au bout de leurs principes, sont en voie d'extinction. C'est indubitable. Et ceux qui restent, plus souvent qu'autrement, les "jeunes de ma génération" les méprisent. Faut croire que gueuler c'est passé de mode.

L'extrait est tiré du dernier Urbania-spécial âge d'or. À se procurer absolument.

Le 100e!

L'insomnie était une fois de plus de la partie cette nuit. Un peu comme les stades du deuil, j'ai traversé toute sorte de phases au cours des derniers mois dont l'incompréhension, la frustration, une rage parfois épeurante et enfin la résignation. J'ai maintenant sorti le drapeau blanc, terminé le combat acharné pour tomber dans les bras de Morphée. Plutôt, j'ai l'audace de transformer ma défaite en sérénité. Je me lève, tout de même après quelques espoirs déçus, et j'ose narguer l'aube. Je profite de ces heures grises au cours desquelles surgissent tranquillement les premiers rayons, sorte d'entracte avant que le tumulte n'envahisse les rues. L'autre jour c'était une balade sur les rives du fleuve, ce matin les Nocturnes de Chopin sur ma table de cuisine en écrivant mon centième billet. Sublime ironie, tout de même, que ce choix de musique.

Il est 5h22. Deux heures plus tôt, j'avais encore confiance en mes moyens de m'endormir. Quoi faire pour remédier à mon désarroi? L'insomnie est une formidable épreuve pour notre créativité. J'ai déjà relu Le procès de Kafka il ya peu de temps. Écouter RDI express en direct à 3h22 me semblait donc tout indiqué. Surtout qu'il y avait un spécial "explication du colmatage de la brèche-dont-on-ne-finit-plus-d'entendre-parler." Je voyais ces images sous-marines obscures, ces diagrammes bourrés de flèches rouges qui tournent dans tous les sens et écoutais parler l'ingénieur qui veut nous faire croire qu'on peut y comprendre quelque chose. J'étais doublement frustré; l'exposé était incroyablement ennuyant mais pas suffisament pour régler mon problème. J'ai éteint la télé et j'ai réfléchis. Sûrement trop pour m'endormir, mais assez pour écrire ces lignes.

Je me disais à quel point nous sommes bombardés d'information concernant tous les sujets. Des papiers commerciaux à la guerre au Sri Lanka en passant par les PPP dans le milieu de la santé. Tous des sujets extrêment complexes auxquels même les plus éminents experts ne comprennent pas toujours tout -dans le cas de la crise financière, on cherche encore la personne qui comprend. Et en tant que citoyen responsable, nous sommes censés avoir une opinion éclairée sur chacune de ces questions. Je pensais à tout ça et je me disais que le monde était sûrement devenu plus compliqué avec le temps. Et puis je me suis dit que le monde est probablement compliqué depuis la nuit des temps. Autrefois, les gens devaient ignorer la majeure partie de ce qui se passait au-delà de leur lopin de terre. Parfois le fonctionnaire passait prélever l'impôt et pour le reste il ne s'agissait que de subsister. Minime, le contact avec l'extérieur. Pareillement, les sujets de la reine Victoria ne devaient pas passer des heures à débattre de la politique dans les Indes orientales attablés autour de leur pinte. Ils n'en savaient pas grand chose et ne s'en souciaient probablement pas plus.

On parle abondamment de la surabondance et de la rapidité de l'information mais on soulève rarement la question de sa complexité. Un citoyen éclairé et averti, c'est ce qui constitue les racines de la démocratie. Je m'inquiète beaucoup de cette complexité qui pousse les gens à s'en foutre et qui par le fait même donne un coup de pouce aux politiciens qui se contentent de slogans plutôt que de réelles idées. Peut-être devrait-on déterrer René Lévesque et le remettre en onde avec sa craie et son tableau noir.

28/07/2010

De la musique à mes oreilles

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique:

"Le développement graduel de l'égalité des conditions est donc un fait providentiel, il en a les principaux caractères: il est universel, il est durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine; tous les événements, comme tous les hommes servent à son développement (c'est moi qui souligne).

Serait-il sage de croire qu'un mouvement social qui vient de si loin pourra être suspendu par les efforts d'une génération? Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant les bourgeois et les riches?"

Je prends toujours un grande bouffée de sérénité suite à la lecture de ce passage cité dans La tragédie soviétique de Martin Malia.

N'est-ce pas réconfortant de penser que malgré tous les obstacles que nous rencontrons et ceux qui nous attendent, notre marche nous mènera inéluctablement vers un monde plus juste? Après tout, les forces réactionnaires avec lesquelles les Français du siècle de Tocqueville étaient aux prises ne sont pas un peu de la même famille que la caste de milliardaires qui dicte les règles du jeu présentement?

21/07/2010

Sur la chaise longue


L'écriture est impitoyable. Quatre mois que j'écris, quatre mois de satisfaction, de fierté, de besoin d'écrire. C'est ça le problème. Une fois qu'on a commencé, on n'arrête plus. À moins que je trouve une nouvelle activité qui me nourisse autant. Des idées?

Chaque jour, j'ai l'impression de tenir quelque chose, et puis l'idée s'évapore. Pas envie, pas si intéressant finalement.
Plus j'écris, plus je me rends compte de l'immensité de la tâche que représente l'écriture d'un roman, voire même d'un article de plus d'une page dans le journal.

Maintenant que je vous ai fait part de mes tourments de futur-Pulitzer, je me remets en marche, et vous promets plus d'inspiration, de verve et de génie que jamais vous n'auriez pu l'imaginer. Tenez-vous bien. Et pour les images, c'est une métaphore. Très recherchée, je sais. Que voulez-vous, j'ai un don pour l'art et les affaires compliquées à comprendre.

09/07/2010

Se renseigner à la source

Hier, mon premier taxi haïtien depuis cinq mois. Sachant où je m'en allais, j'avais préparé le terrain avec des question innocentes. Puis celle qui devait briser la glace:

-Et vous monsieur, vous avez de la famille là-bas?

-Oui oui, j'ai ma mère (il devait avoir trente-cinq ans!) qui est venu vivre ici il y a quinze mais qui est repartie il y a cinq ans parce qu'elle tenait à rester là-bas.

-Et vous avez des nouvelles, comment vont les choses là-bas?

-Eh bien les gens vivent dans les tentes toute la journée, ils sont dans l'eau toute la nuit et le jour le soleil les sèche.

-Donc la situation elle a vraiment pas changé?

-Non, non, pas vraiment? Vous savez, ils dépensent des millions et des millions et rien ne bouge...

-C'est fou quand même, tout cet argent, on dirait qu'il ne fait que...

-Pas besoin de finir votre phrase monsieur, je sais je sais.

J'allais parler de l'inefficacité des ONG et de l'argent gaspillé à cause de la lourdeur de leurs structures. Lui semblait parler de corruption. Les deux sont sûrement vrais. Ça a pas bougé donc. Personne n'est surpris, les cyniques pourront encore dire qu'ils ont gagné.

Rappelez-vous, le trembement de terrre c'était en janvier, il faisait -20 dehors. Le thermomètre est un bonne indicateur de tout le temps qui a passé.

07/07/2010

Devenir le Parisien

L'émerveillement n'est jamais bien loin en voyage. On s'extasie devant une façade néo-gothique, on plisse les yeux de bonheur en goûtant une gelato au melon, notre mâchoire se disloque à la vue d'un oiseau rare. Les journées sont gorgées de moments intenses, tout va à la vitesse grand V. C'est exaltant, nourrisssant, palpitant. Pendant ces deux ou trois semaines, cet état remplace l'indifférence qui marque nos "vraies" vies. Parce qu'il faut le reconnaître, on vie des joies et des peines, mais entre les deux, une bonne partie de notre existence se fait sur le pilote automatique.

Ce qui change au fond, c'est plus nous que le décor. Bien sûr que la Sagrada Familia est plus émouvante que le Dix-trente. Le pesto de Gênes est à des années-lumière de celui acheté au IGA. Le premier se mange compulsivement à la cuillère, le deuxième moisit dans mon frigo depuis des mois. L'exotisme et la beauté sont des variables incontournables dans l'équation. Néanmoins, les plaisirs du voyage nous seraient hors de portée sans notre prédisposition à nous émerveiller. Le touriste, en effet, est une éponge. Il scrute son environnement à la recherche de ce qui le fera tressailler. Chaque endroit balayé par son regard curieux détient le potentiel de l'envoûter. Un vrai détective, prêt à tout pour résoudre l'énigme d'une cutlture étrangère.

Transportons nous à Paris l'instant d'un exemple. Curieux quand même que l'homme à la bouteille d'eau et à la caméra soit en transe face à la tour Eiffel alors que le Parisien puisse passer à côté en l'ignorant. Vous me direz que le Parisien la voit à tous les jours. N'en reste pas moins que la tour Eiffel, c'est comment dire, assez...beau. La question qui me semble beaucoup plus pertinente, c'est comment peut-on arriver à s'habituer à autant de beauté. Le Parisien ne pourraît-il pas à la manière du touriste se réjouir matin après matin de côtoyer un tel chef-d'oeuvre. Cette réjouissance a-t-elle une date de péremption?

Cette idée, c'est Alain de Botton qui la développe dans un livre fo-rmi-dable. J'ai parfois tendance à m'emporter, mais ce livre, c'est juré, a changé ma vie l'été dernier. C'est son but avoué d'ailleurs.

J'en parle parce que mon séjour à l'étranger était l'opportunité idéale pour mettre en pratique la philosophie de de Botton. En effet, je débarquais dans une nouvelle ville avec laquelle j'aurais d'abord un rapport de touriste et que j'apprivoiserais ensuite. Je serais l'homme au chapeau puis éventuellement le Parisien. En fait non, l'expérience consistait à savoir si je pourrais éviter le piège de devenir le Parisien. Faire en sorte que le buzz des premières semaines ne s'interrompe jamais. Et puis le mettre dans mes valises et l'apporter jusqu'ici. J'ai relevé le défi à l'étranger, c'était somme toute assez facile. Reste à savoir ce que me réservent les prochains mois.

Faire de notre vie un voyage, c'est ce que de Botton propose pour être heureux. Le monde, les choses, les gens, la réalité bref, c'est la matière première. À nous d'en faire quelque chose qui en vaut la peine.

(...)

Si ça vous intéresse, j'écris depuis presque deux mois au son des mêmes mélodies. Ça s'appelle Woody Allen Movie Music. C'est la musique des films de...vous aviez compris. Si le jazz peut parfois être l'équivalent de lire du Hegel en allemand pour les oreilles, celui de la Nouvelle-Orléans chéri par le réalisateur aux mille angoisses est très apaisant. C'est comme si les années trente sortaient des haut-parleurs de mon ordinateur. Idéal avec une Corona et une canicule.

06/07/2010

Up in the air

Comme George Clooney, j'aime prendre l'avion. Pas que je m'y sens comme à la maison, mais un vol est pour moi synonyme d'aventure et de plaisirs attendus. Des petites collations au inflight magazine en passant par les charmantes hôtesses, vous verrez mon sourire d'enfant à Disney World si vous me croisez entre Charles-de-Gaulle et Heathrow c'est certain. Oui, je suis international gros de même.

Une étape que je comprends moins, c'est celle des informations super techniques presque murmurées par le capitaine environ une demie-heure après le décollage. La voix grave et quelque peu nonchalante semble être un incontournable. Est-ce un prérequis pour devenir pilote?

"Mesdames, messieurs nous sommes ravis -à t'entendre parler j'en doute- que vous soyez des nôtres sur ce vol à destination de Montréal-PET. (intonation en decrescendo après chaque virgule) La température extérieure est présentement de -62 degrés celsius, nous volons à une altitude de 34 376 pieds et la pression atmosphérique est de 65,3 kilopascals. Les cumulo-stratus que vous apercevez à votre gauche nous retarderons d'une vingtaine de minutes, nous arriverons donc à 16h24 minutes précises."

Ce qui m'amuse encore plus que le speech, ce sont les passagers qui hochent de la tête avec un air tout aussi sérieux en se disant "ouais ouais, ça' ben d'l'allure tout ça...Correct capitaine, t'as notre confiance, on approuve le plan de match."

Je comprends pas.

02/07/2010

Désarroi

Dites-moi, où sont passés l'espoir et la confiance en l'avenir que l'élection d'Obama avait apporté aux États-Unis?

La guerre en Afghanistan est devenu ce printemps la campagne militaire la plus longue de l'histoire du pays, et on est plus que jamais dans le pétrin. Le mois de juin a été de loin le plus meurtrier pour les soldats de l'Otan faisant 90 morts en date du 28.

Les Républicains du Texas ont proposé dans leur plus récente plateforme la criminalisation de l'homosexualité. Il ne s'agit pas d'un groupuscule d'extrême droite, c'est un parti qu'appuient des dizaines de millions d'Américains et qui constitue la seule opposition crédible à Obama. Vaut mieux en rire qu'en pleurer, comme l'a si bien fait Stephen Colbert:

"(...) If we make sodomy illegal, I'm sure they'll stop doing it. And if they don't, we'll send them to jail, where there is no sodomy."

Et finalement, Steve Carell a annoncé son départ de l'émission The Office après la prochaine saison qui débutera l'automne prochain. Je ne pourrai même plus me divertir convenablement pour oublier mes soucis. Maudite m***e...

Peut-être que le remède à mon désarroi se trouve à l'opposé du globe, en Russie plus précisément. En effet, comment ne pas voir les rayons lumineux de l'espoir dans l'exploit de ce mathématicien ermite vivant dans un appartement infesté par les coquerelles? C'est fait, il a résolu ce qu'on pense être un des problèmes de math les plus difficiles de l'histoire, la Conjecture de Poincaré. Même si je n'ai pas vraiment compris ce que c'était, la vidéo au bas de l'article en vaut la peine.

30/06/2010

Que le meilleur gagne!

On nous parle souvent d'hégémonie culturelle, de coutumes mises en péril, de bigmactisation de la planète. Avec Bush et BP, elle est responsable des plus grands maux de notre planète. La mondialisation. Elle compte beaucoup plus d'ennemis que de namis. Ce discours m'agace. C'est comme un dalmatien: trop noir et blanc (oh la la......).

On mange, on fait l'amour, on dort, on travail et le cycle recommence. Un être humain, qu'il habite l'Utah ou le Yunnan, est partout une seule et même créature. La langue, le drapeau et les coutumes changent, mais nous sommes tous faits des mêmes viscères. Un Américain a autant besoin d'amour qu'un Chinois, un Serbe veut qu'on respecte sa dignité au même titre qu'un Croate. Je ne m'aventurerai pas dans la complexité des questions identitaires, les exemples qui serviront mon propos seront d'un tout autre ordre.

Prenez Fields of Gold de Sting. Le guitariste caresse les cordes de son instrument pour en extraire une mélodie aussi suave que sirupeuse. La cornemuse aux accents gaéliques à la fin du refrain fait succomber les critiques les plus froids. C'est LA référence en terme de balade romantique-adulte-pop-contemporain (une radio sur le satellite que je vous invite à syntoniser incessament). Et on on la joue partout, justement parce que personne n'a trouvé une meilleure balade du même genre. Peu importe leurs différences; l'Ouzbek comme le Russe vibrent à l'écoute de la prose du chanteur anglais. Fans de Toni Braxton, ne prenez pas les armes. Clore le débat sur les balades aussi vite c'est sûrement un peu présomptueux de ma part.

La mondialisation, c'est une sorte de communion entre tous les êtres humains. Un pont qui nous permet enfin de connaître M.I.A. et de tripper ensemble sur ses chansons. Ou d'apprécier le thon rouge comme il se doit, c'est-à-dire saisi quelques secondes à la japonaise. Je travaillais dans un resto italien haut de gamme il y a deux ans et on servait un thon "à la manière des Pouilles" -la région qui forme le talon italien- mais tout de même cuit de cette façon. J'avais demandé au boss si les Italiens le cuisaient comme ça eux-aussi, étonné par le look sushi du plat. On m'avait répondu qu'à l'origine non, mais qu'un consensus s'était formé à propos de la meilleure façon de l'apprêter. Le talent nippon avait donc traversé les frontières pour le plaisir de nos papilles et aux dépens des traditions culinaires méditérranéennes. La qualité avait parlé.

La mondialisation repose sur une logique de compétition. Les remparts de la distance étant désormais abattus, le producteur de litchi de Thaïlande se retrouve face à face avec celui de Nouvelle-Zélande. Cette lutte produit des résultats bénéfiques lorsqu'elle est juste. Si le Thaïlandais produit des meilleurs litchis, ou les produit à un coût moindre, le Néo-zélandais devra se trouver une nouvelle job. En économie, on parle de spécialisation et d'avantages comparatifs. C'est la malhonnêteté qui entrave les bénéfices de cette compétition. Des subventions excessives aux producteurs si on reste dans notre exemple de litchis. De pareilles subventions aux États-Unis privent de nombreux pays africains d'un marché pour leur production et les font crever de faim. Dans ce cas, une malhonnêteté criminelle qui perdure depuis des années.

Pour ceux que j'ai perdus dans cet exemple un peu technique, on peut voir dans la musique qui tourne à la radio une situation analogue peut-être plus intelligible. Si les Black Eyed Peas, malgré toute les cochonneries dont ils sont capables, tournent encore autant, ça ne relève pas du hasard. Je ne pense pas apprendre rien à personne; une puissante machine de marketing et des dizaines de milliers de dollars les ont ammenés là où ils sont. Elle est là l'injustice. Cette hégémonie bloque l'émergence des créateurs plus talentueux, et prive l'auditeur moins curieux de tellement de richesse. C'est déplorable pour les deux extrémités de la chaîne. Celui qui produit et celui qui devrait recevoir.

Vive la mondialisation donc, mais surtout vive une mondialisation juste qui ferait connaître plus de John Lennon, de savoir-faire asiatique, de cinéma russe et donnerait une chance aux producteurs sénégalais. Que le meilleur gagne!

25/06/2010

Playlist

Comme Rocky, mon entraînement pour le marathon pourrait faire l'objet d'une scène en accélérée avec musique entraînante. Tout ce qu'il manque depuis début mars, c'est l'épaisse couche de neige de Sibérie orientale dans laquelle je tirerais un ami en traîneau. Qu'à cela ne tienne, je m'invente des scénarios épiques dans ma tête, et par le fait même m'attire des regards inquiets à cause de mon visage presque en transe. Les traits tirés, mon souffle d'asthmatique, le regard qui fixe l'horizon avec aggressivité... j'effraie les sept à soixante-dix-sept ans.

Blague à part, comme je vous l'ai dit récemment, la course est un formidable moment d'introspection. Une heure durant laquelle mon monologue intérieur n'est gêné par aucune stimulation extérieure, sinon la contemplation de ce qui m'entoure, le beau comme le laid. Un paradoxe que je n'ai pas réussi à comprendre demeure: c'est une activité que je trouve terriblement plate, mais qui m'apporte en même temps tellement. Le yoga par contre, ça c'était vraiment trop plate. Vous connaissez mon affection pour la médecine alternative et les pratiques asiatiques millénaires. Probablement que ce sont mes idées de triomphe et de dépassement de moi-même -et des autres- qui me font continuer à courir. Ou encore cette image si poignante des noirs aux jeux olympiques de Mexico que j'ai souvent en tête et qui m'inspire tant.

Il y a aussi la musique qui joue un rôle crucial. Des chansons dont j'ai tout extrait tellement elles ont joué dans mes oreilles. Elles me me poussent dans le dos quand je vois le f**k that s'approcher. Les voici:

Le hip-hop est essentiel pour la course. Les guns, les chars, les filles, ça donne l'impression d'être le maître du monde.
1. Power, Kanye West ft. Dwele
2. Amazing, Kanye West ft. Young Jeezy
3. Fire, The Roots ft. John Legend
4. I'm me, Lil Wayne
5. Hustler's Ambition, 50 cent
Ensuite, c'est l'électro, parce que l'énergie vient à manquer après un certain temps. Ça prend un rythme qui te garde en vie, une sorte de mirage pour tes muscles et ton esprit épuisés.

1. Sweet Light, Boys Noize
2. Bonafied Lovin', Chromeo (Remix de Riot in Belgium)
3. Digital Love, Daft Punk
4. Running Man: Nike+Original Run, The Hives et surtout A-trak. Deux mix qui ont été commandés par Nike spécialement faits pour l'entraînement. Beau coup de marketing.

Finalement, quand on s'est senti tout-puissant et que nos oreilles bourdonnent à cause de la distortion, un peu de sérénité: Where Do The Children Play, Cat Stevens.

Un jab dans face en arrivant et un uppercut dans le ventre en repartant.

C'est ça aller étudier à l'étranger.

23/06/2010

Cicatrisation inachevée

Si vous voulez des vraies sensations fortes, Pour faire une histoire courte vous suggère une ballade dans les rues de Split avec votre chandail de l'équipe nationale de Serbie. Non seulement Split est la deuxième ville de Croatie, mais ses supporters sont reconnus pour leur conversion brusque en sauvages les jours de match. On rapporte que la haine avec Zagreb est si vive que les supporters de la capitale qui font le voyage doivent changer leur plaque de char pour éviter qu'on les pousse dans l'Adriatique. Je vous rappelle que Zagreb et Split étaient du même bord durant la guerre il y a vingt ans. J'ai fais mon touriste low-profile cette journée-là.

Two-word poem

Une auteure m'a déjà dit que l'oxymore était l'incarnation de la perfection dans la langue française. Plus qu'une contradiction, un équilibre entre deux mots qui rend la vérité exprimable. Vu par un marxiste, thèse+antithèse=synthèse. C'est tellement vrai (l'oxymore, pas la lutte des classes).

Il n'est pas question d'oxymore ici, mais de poésie-pop. Deux mots, un poème, une idée amusante.

14/06/2010

Écouter un film de Bergman ou regarder les biscuits qui cuisent dans le four.

Deux articles convergents à lire d'urgence:

1. Des dommages que peuvent causer les nouvelles technologies à notre cerveau: un cas extrême mais révélateur.

2. "Je rêve d'un monde où l'on s'adonnerait à rien avec zèle, rigueur et régularité."

13/06/2010

Dépasser sur un trottoir

Le gars d'en avant te gêne parce qu'il est trop lent. Tu te demandes si c'est toi qui est trop pressé, si après tout tu devrais prendre ton temps et respirer un peu. Tu essaies, ça ne fonctionne pas. Le problème, c'est qu'il n'y a pas une si grande différence entre la vitesse à laquelle marche le gars et celle que tu préférais. Sinon le dépasser serait trop facile.

Tu fonces, nerveux, mais sûr de toi. En chemin, tu te questionnes une fois de plus sur la nécessité de l'entreprise. Non, renoncer n'est plus possible. Do or die. C'est rendu à sa hauteur qu'il ne faut pas craquer. L'inconnu voit très bien que tu n'es pas à l'aise à cette vitesse de croisière. En croisant son regard, tu feins la désinvolture. Rien n'y fait; il sait par quels questionnements tu es passé quelques secondes plus tôt. Les battements de coeur qui font vibrer ton t-shirt t'ont trahi.

Tu es finalement en pôle position. Mais juste quand tu pensais sabrer le champagne, tu te rends compte que si tu ralentis trop, le dépassé va te trouver ridicule. Alors tu maintiens le rythme, brûlant tes dernières calories disponibles. Et à la première occasion, tu changes de trottoir.

11/06/2010

Privé, heureux.

L'irritation gagnent les endroits les plus vulnérables de mon corps, mon coeur crie à l'aide, mon esprit est assailli par toutes sortes de pensées. C'est la même chose à chaque course. Surtout, c'est le 5 septembre qui me fait rêver autant qu'il m'angoisse. Tantôt moi qui me projette dans trois mois débordant d'émotions, tantôt la peur des obstacles qui pourraient m'empêcher de réaliser cette folie. Ces obstacles qui me hantent, c'est une température de 35 degrés celsius à l'ombre le jour de la course, un rhume ou une intoxication alimentaire à La Moulerie une semaine avant, une cheville foulée au basket, un vélo qui me rentre dedans, un tueur en série qui m'assassine sans raison. J'étais décidé à arrêter toute consommation d'alcool pour le dernier mois, j'evisage maintenant la glaciation.

La course, c'est aussi la période de gestation des chroniques. Les idées de phrases qui rentrent, s'accrochent ou sortent de mon esprit. La cohérence de mes pensée est inversément proportionnelle à la détresse de mes jambes. Mon mental perd de son toughness dans les côtes en montant, ou durant les strides, ces sprints de 100m qui te liquéfient les mollets. Le tout culmine en un moment d'insoutenable pression durant lequel la douleur, si vive, pulvérise la frontière entre le corps et l'esprit et s'empare de tout mon être. Il ne s'agît alors que de tenir bon, de se dire que "ça va aller mieux tantôt". Et quand tout est fini, comme dans un conte de fée, ça va effectivement mieux. Une leçon de vie en soi. Les idées se remettent en place. Puis, la douche, les étirements, les pâtes et une histoire courte de plus.

Je suis arrivé à mi-chemin de mon entraînement de six mois lundi dernier. Ce que j'apprécie tant de l'expérience à date c'est, tenez-vous bien, toutes les choses auxquelles j'ai dû renoncées. Faut dire que courir m'ennuie pour mourir. Manger du pain intégral et faire une place à mon entraînement dans mes journées surchargées, ça par exemple... Aucune autre phrase ne saurait le dire mieux: la privation m'enchante! Tellement que j'en fais plus que ce qui est dit dans mon livre. Je suis convaincu, par exemple, que de manger des pâtes intégrales a un effet à peu près nul sur mes performances. Pas grave, j'ai la soif de vaincre d'un Michael Phelps à Pékin. Je me trouve bête, ça me fait rire.

Ça fait longtemps que j'ai découvert les joies de la privation. Les expéditions de canot de mon adolescence m'ont tout appris. À seize ans, l'idée de partir vingt-et-un jours avec deux paires de boxer et du thon en boîte dans mon sac m'intriguait autant qu'elle m'effrayait. Mon confort et l'abondance dans laquelle j'avais été élevé allaient en prendre un coup. Je passerais de pacha à coureur des bois. Aujourd'hui, j'en garde des souvenirs magiques. Jamais je n'ai eu de discussion à propos de sous-marins géants poulet-teriyaki à nouveau. Ni fantasmé autant sur une douche chaude. Ni apprécié autant une paire de bas sèche après une journée à être agressé par une pluie incessante. Ces plaisirs-là sont impossibles sans la privation, sans l'absence de ce que l'on désir tant. Que nous répondrait Buda, pour qui désir est synonyme de souffrance? Un ténébreux débat philosophique s'annonce.

Ce dont je suis sûr, c'est que l'abondance peut être la pire des menteuses parfois. Parce qu'elle est si éblouissante, elle nous rend aveugle. La richesse nous entoure, mais on est incapable d'en extraire tous les fruits. C'est un drame. Je pèse mes mots.

Ce qui est génial à propos de la privation, c'est que c'est très abordable. Quoique ce n'est pas toujours le cas...J'ai du venir m'établir en Slovénie pendant cinq mois pour qu'elle s'insère dans mon quotidien. Outre l'entraînement, ma vie à Ljubljana regorge d'exemples de plaisirs qui jamais ne serait possibles dans ma bulle montrélaise. J'ai souffert durant le premier mois d'infernales courbatures dûes à mon oreiller incapable de m'offrir confort et apaisement en route vers le pays des rêves. Contrairement aux pâtes de blé entier, cette privation était on ne peut plus involontaire. Mes talents d'écrivains sont trop encore trop limités pour vous expliquer le bonheur que m'a procuré le coussin de chaise de patio acheté début avril. Je l'utilise et le chérie tous les jours.

09/06/2010

Pour la lutte au décrochage...

Pourquoi on a pas de concours comme celui-là dans les écoles au Québec. Dieu sait que j'étais le préféré des profs. C'est sûr que j'aurais été aux premières loges.

07/06/2010

Condamnés?

Amin Maalouf disait dans les Identités meurtrières, livre essentiel, que les différentes identités -religieuse,ethnique, linguistique- mènent très souvent aux dérives les plus graves: guerres, exactions, génocides. En affirmant qu'elles sont changeantes au gré des aléas de l'histoire, Maalouf les définit en quelque sorte comme des fictions.

Dans son nouveau roman, Nancy Houston dit des identités qu'elles sont des fictions qui nous gardent en vie.

J'ai tendance à croire les deux.

S'agît-il d'une tragédie? Serons-nous pris à jamais dans ce cul-de-sac?

05/06/2010

Pour le retour à la dactylo

J'entame à partir d'aujourd'hui une longue et féconde réflexion sur l'obsessif et le compulsif dans nos sociétés. Parenthèse: je déteste l'expression "dans nos sociétés", complètement surutilisée, c'est l'absence de style même. Elle se retrouve ici -pour la première et dernière fois- que pour pluger mon commentaire. L'obsessif et le compulsif, donc, qui nous rongent de l'intérieur un peu plus à chaque jour. Si vous pensez être immunisés, détrompez-vous. À quand remonte votre dernière visite sur Hotmail, Facebook, Twitter, sur votre iPhone? Bon, dans tous les domaines il y a des irréductibles qui ne cèdent pas à ces inventions du diable. Mais pour un Victor Lévy-Beaulieu qui écrit paisiblement à la chandelle dans sa cabane à Trois-Pistoles, il y a cent fuckés comme moi, comme vous, qui errent dans Internet pour n'en ressortir que des heures plus tard après y avoir frôlé l'overdose.

Déterminé à donner une pause à mon pouce qui n'en pouvait plus de tourner en rond, j'ai enfermé mon iPod dans ma trousse de toilette jeudi dernier. Pu capable de constamment être à la recherche de la prochaine chanson. L'objectif était de ne pas écouter de musique pendant une semaine. J'ai tenu deux jours. Un échec patent. De la détermination, j'en ai autant que ça.

J'entends régulièrement des histoires d'horreur à propos de l'étude et des gens de ma génération. Un gars sur Facebook qui a comme statut:"Perdu six heures à regarder des photos aujourd'hui au lieu de lire les cent pages pour l'examen de demain." Six heures. Je me demande quel genre de monde on va avoir lorsque ma génération le gouvernera.

J'ai moi-même vécu un cauchemar aujourd'hui. Je devais écrire cinq pages sur les Balkans et les origines de la Première Guerre mondiale, avec un hangover en prime. Très peu réjouissant comme programme me direz-vous. En effet. Mais ce qui devait être fait devait être fait. Et n'a pas été fait. Parce que Youtube, parce que Voir.ca, parce que Twitter et j'en passe. Si seulement j'avais eu une dactylo au lieu de mon laptop devant moi.

Vers 20h je suis allé courir pour me libérer de toute cette stagnation intelectuelle. Me gaver d'autant de divertissement n'a fait qu'échouer mon objectif qui était disons le assez modeste. Et surtout, je n'ai pas retiré grand chose des vidéos de Kobe Bryant ou d'Iam-quelle ironie, je vous les mets en lien...

Là je vais devoir vous laisser, j'ai douze pages à écrire pour demain.

03/06/2010

"The pursuit of perfection"

Je la prends blanche comme dans l'annonce.

02/06/2010

J'ai un projet: devenir fou.

C'est d'Émile Nelligan.

Une phrase qui ne cesse de me faire réfléchir depuis plusieurs semaines. Ce "projet"-là, il est en moi depuis longtemps. C'est probablement pourquoi j'ai été interpellé lorsque j'en ai entendu parlé dans le documentaire de Jacques Godbout sur Hubert Aquin. Ça eu l'effet d'une révélation. Sans blague. Il y a des phrases, comme des livres ou des films qui nous en apprennent sur nous.

Vous comprendrez mieux ce que Nelligan veut dire à la trente-et-unième minute. Les cinquante-cinq autres sont tout aussi intéressantes.

Vous remarquerez à quel point le français de 1979 ne sonne pas du tout comme celui de 2010. Un signe de son déclin? C'est bien le même Godbout qui prédisait il y a quelques années la mort prochaine de notre langue...

31/05/2010

Anti-casting

L'audace est et a toujours été une denrée rare. Elle est la marque des gens d'exceptions, des créateurs et de leurs oeuvres phares. Elle bouscule les sociétés et par le fait même les garde en vie. Selon un politicien dont l'étoile a déjà été plus scintillante, elle génère de l'espoir. Point de progrès, donc, sans audace.
Il y a quelques semaines, je méditais sur ce que devenait ce blogue, ou sur ce qu'il devait devenir. Je lui reprochais de s'installer trop confortablement dans un style qui n'était pas entièrement le mien, qui ne correspondait pas à ce que j'avais en tête au départ. Trop convenu, pas assez émancipé de l'influence de l'écriture des autres.
L'opportunité suprême que donne un blogue à un nobody comme moi, c'est l'absence totale de contraintes dans la forme comme dans le fond. Que mon ptit cerveau agité qui garde son emprise sur mes deux indexes le temps d'un post. Beaucoup, beaucoup d'espace pour ouvrir les vannes et laisser couler le torrent des idées et des mots. Ainsi, forcément, je rumine cette idée à chaque fois: est-ce que ce que j'écris est digne de toute la liberté que ma page blanche m'offre. La question peut paraître démesurée. Vous pourriez être tenté de me dire d'aller prendre une marche pour me ventiler le lobe frontal. Mais pensez à tous ceux qui n'écrivent que par obligation, pour payer l'hypothèque. Dans les journaux locaux ou par exemple, j'invente, des gens spécialisés dans la rédaction des histoires des vieux restaurants pour leurs menus. C'est comme certains talents issus du Conservatoire qui finisse en annonceurs de pubs de rasoirs. La vie, dont ils espéraient tant, leur fait goûter l'amertume de la désillusion.
Moi, je peux faire ce-qui-me-tente. Contrairement à cet acteur qui n'aura pas la chance de jouer Hamlet au TNM, il n'y a rien qui se met en travers de mes désirs d'écrivains en herbe. Si seulement on me payait pour ce que je fais...
Je n'ai pas suivi de cours de journalisme, mais je crois savoir que la recette d'une chronique c'est de passer de l'anecdotique au général, ou à la réflexion si vous préférez. "J'ai vu un enfant pleurer pour un suçon, sa mère lui a acheté. De nos jours, les parents ne savent pas dire non." Puisque je vous ai parlé d'audace et d'absence de contraintes, j'ai décider de faire les choses dans le sens contraire aujourd'hui. Après toutes ces considérations profondes, j'irai d'un commentaire si inattendu, si bête que Proust se retournera probablement dans sa tombe. Ou bien il surgira de terre pour m'acclamer.
J'écoutais Melinda and Melinda de Woody Allen tout à l'heure et je me suis dit que caster Steve Carell et Will Ferrell en amis qui se parlent de relations homme-femme dans un tel film, c'est vraiment génial. Le paroxysme de l'anti-casting. Et comme par hasard, ça aussi c'est audacieux.
Maintenant si vous n'êtes pas convaincus du résultat, relisez-moi à l'envers.

28/05/2010

Plaisirs compulsifs

Je ne vous l'apprendrai sûrement pas, Wikipédia c'est génial. Time well wasted, comme dit le slogan de The Comedy Network. Si vous saviez de où je suis parti et le nombre de liens sur lesquels j'ai cliqué pour en arriver à vous parler de macédoine.

Vous vous demandiez ces derniers jours s'il y avait un lien entre le pays -la Macédoine- et le mélange de fruits ou légumes? Eh ben oui! La population du pays au début du vingtième siècle est "fort bigarrée": Grecs, Slavons bulgarophones, Serbes, Albanais, Aroumains, Turcs et Roms. Ainsi..."À Paris, un chef invente un plat de légumes mélangés qu'il appelle macédoine. "

N'est-ce pas formidable. Tout s'explique.

Pour citer André Sauvé: "Ceux qui s'ennuient, c'est parce qu'ils le veulent."

27/05/2010

Une visite à la gare

Un festin pour l'âme et la vue. C'est ce dont j'ai pu me régaler en visitant le célébrissime musée d'Orsay la semaine dernière. D'ailleurs, c'est quand même remarquable, en allant chercher le lien plus haut, quand on arrive à "musée" dans la barre de recherche Google, c'est la première suggestion qui apparaît! C'est dire. Le musée d'Orsay est aux musées ce qu'est Gaudi est à l'architecture; impossible de rester insensible face à ce qu'on y voit. Les profanes, les chialeux, les blasés, les apathiques, tous ceux-là risquent de s'ouvrir à l'Art après un passage à la gare-devenue-gallerie. J'en sais quelque chose, j'ai longtemps préféré à peu près, disons, tout à la peinture. Il ne reste que le théâtre qui me fait soupirer. Si quelqu'un peut m'expliquer.

Les musées, surtout visités seuls, me semblent être une mine d'or de surprises, du moment qu'on décide de jouer le jeu. Parce qu'il s'agît bel et bien d'un jeu. À moins d'être un éminent connaisseur arborant noeud papillon et monocle en ébène, on peut être ennuyé par les peintures, spécialement celles qu'on doit aimer, et renoncer, lâchement, à tenter d'apprécier Monet ou Manet. Mais du moment qu'on se questionne sur ce que l'artiste veut nous communiquer, sur le pourquoi du trait fin plutôt que grossier, sur ce que ça signifie d'être un fauviste, on a déjà franchi un pas important. Et ce que je dis là, ça s'applique à la vie, à tout ce qui la compose. Je remercie le ciel d'être curieux à tous les jours. Les pas-curieux, je ne sais pas comment vous faites.

Bon, on s'égare. En fait pas vraiment. C'est que j'avais prévu de seulement retranscrire la frénésie de mes notes prises durant ma visite de la semaine dernière. C'est comme ça avec ce blogue: je pense m'en tirer avec une pensée, un post-éclair, et ça finit en réflexions, le tag qui de loin remporte la médaille d'or. Et j'ai osé appeler ça Pour faire une histoire courte...Je devrais me confectionner un chapelet avec les mots focus, concision et synthèse en alternance.

Puisque vous n'êtes probablement pas à Paris en ce moment, encore moins au musée en question, et que conséquemment il vous est impossible de contempler les chef-d'oeuvre de Pissaro, Van Gogh et Cézanne, voici votre prix de consolation, ce qui a retenu mon attention:

1. De Gauguin: "Il y a en somme en peinture plus à chercher dans la suggestion que la description. L'art est une abstraction, tirez-en de la nature en rêvant devant."

2. Une panneau expliquant la technique du pastel: "(...) le matériau pastel est au portrait féminin ce qu'est le maquillage à la femme elle-même: un embellissement, ou pour citer Beaudelaire (citation dans la citation) une déformation sublime de la nature." Le sempiternel débat est relancé: le maquillage cache-t-il les imperfections ou il met en valeur les traits de la femme.

3. Un nouveau mot dans mon inventaire, "daguerréotype". Selon le pitoyable mais très utile dictionnaire en ligne: "Premier procédé photographique, dans lequel l'image était fixée sur une plaque de cuivre argentée". On peut s'imaginer le bonhomme au noeud papillon et au monocle consultant quotidiennement son encyclopédie du daguerréotype en cinq tomes dans son fauteuil Rococo.

4. Observé: Des Asiatiques (pour ne pas dire des Chinois) avec leur guide audio en podcast gratuit sur leur iPhone. Jamais vous ne me verrez avec un téléphone à plus de cinquante dollars, mais je dois dire que des avancées comme celle-là, c'est assez impressionant.

C'était le deuxième et dernier post de la série inspiration.

25/05/2010

Remède

Si pour vous le blues n'est pas un style musical mais votre état d'âme du moment, dites iPod vraiment vite vingt fois en ligne.

24/05/2010

"Une musique capable de faire vibrer les culs comme les âmes"

Ce post est le premier d'une série de deux sur l'inspiration. Oui, à Pour faire une histoire courte, on a pas peur des thématiques. L'inspiration ou "Ça, c'est inspirant!". Parce que cette semaine, j'en ai lu et vécu des choses qui m'ont interpellé. Pour la première et avant-dernière édition de la présente série, James Murphy en entrevue à David Desjardins du Voir à propos du plus récent album de LCD Soundsystem, This is happening. J'aurais pu ne mettre que le lien ou retweeter l'article, mais je sais que j'ai des lecteurs paresseux, et être actif sur Twitter, je ne suis pas encore rendu là.

Je tiens à préciser que mon titre est issu de l'article. Alors, sans plus tarder:

"Si elle se prend trop au sérieux, la musique dance cesse d'être intéressante. Mais si, au contraire, elle est complètement vidée de toute substance, elle est ennuyante. (...) Entre les deux, il y a cet espace très petit où les choses se passent."

(...)

" Toutes les choses devraient être ainsi. Tu ne passes pas tout ton temps à parler de la mort avec tes amis. Vous faites la fête et dites un tas de conneries ensemble, et puis quand il arrive quelque chose de grave et que quelqu'un meurt, par exemple, tu sais qu'ils sont là pour toi, pour te soutenir. Pour la musique, c'est pareil. C'est à la fois sérieux et futile, drôle et terrible. Comme la vie, comme toutes les choses qui en valent la peine."

Un genre d'équilibre entre Léo Ferré et 50 cent.

Je n'ai rien écouté encore, mais l'album promet. Le single, Drunk Girls.

18/05/2010

Urbania n'a pas voulu de moi

Pour leur prochain numéro spécial sur l'âge d'or, Urbania offrait la chance à un talentueux inconnu de publier son texte. Je pensais être la personne toute désignée. Ils m'ont dit ceci: "Désolé, mais on ne publiera pas ton texte." Mon ego en a pris un coup, mais mais n'ayez crainte, il est toujours aussi démesuré. Alors, le voici, le texte qui ne permettra pas à Urbania de remplir les coffres vidés par la conjoncture économique. Ça s'appelle Avoir le dernier mot.

Lever à 7h15, douche à 7h20. S'ensuit café noir, pamplemousse et une toast et demie au beurre d'arachides. 10h30, c'est l'heure du Scrabble avec Yvonne. Ça empêche les toiles d'araignée de s'installer dans les neurones. Le Journal de Montréal et Radio-Canada en background auront assez à offrir pour combler l'après-midi et la soirée.

L'univers du vieux est un d'habitudes. Un militaire de carrière s'y trouverait à son aise. La répétition exacte, chirurgicale de chaque élément de leur routine est fascinante. Cette journée mille fois répétée, c'est un cocon imperturbable. Tout est prévu, rien ne peut arriver. Le gin coupé au 7up d'aujourd'hui va avoir le même goût que tous les autres d'avant. La cigarette de 5h va être tout aussi agréable, un brin grisante. Surtout, rien de trop surprenant ne va arriver à la polyvalente Sainte-Jeanne-d'Arc dans Virginie. Mais ça ne peut pas toujours être ainsi. Une simple sortie à la Casa Grecque, par exemple, constitue une violente secousse sur le sismographe de leur existence tranquille. De même, Noël, qui pour la plupart est associé à boisson et retrouvailles, est pour le vieux synonyme d'angoissantes planifications, à savoir: "Faut pas que j'oublie le gin, faut pas que j'oublie le 7up", "T'es tu sûr que y'on des glaçons chez Guy?"

Les habitudes des vieux ne sont que l'exacerbation du petit control-freak en nous. Avec le temps, cette propension à vouloir maîtriser son environnement enfle, et mue en habitudes de vieux. Pourquoi? À mon avis, on tente de s'accrocher. Notre mort est la dernière chose sur laquelle nous avons du contrôle. Et ça, ça fait peur. À mesure qu'on s'en approche, on essaie de se faire croire qu'on est pas juste une marionnette, que c'est nous qui tenons les cordes. On ne boit plus son gin que pour le plaisir, on le boit parce qu'on sait qu'il y en aura un autre demain à la même heure. On tente inconsciemment de calmer le shake intérieur qui nous habite. On tente d'avoir le dernier mot contre celle qui gagne toujours.

La vie, pour la majorité d'entre nous, semble être divisée en trois étapes quasi-étanches. L'enfance, l'âge adulte, et être un ptit-vieux. C'est cette impression d'étanchéité qui nous fait croire qu'un adulte ne peut plus être un enfant, et qu'un ptit-vieux est une drôle de créature. Même quand on pense à notre propre vieillesse, on se voit comme une autre personne.

Il faut l'admettre, on regarde parfois les vieux et leur monde avec curiosité et stupéfaction. Certains d'entre eux diront même que la société leur manque de respect. La preuve, peut-être, c'est qu'on redoute de devenir nous-mêmes un ptit-vieux avec des habitudes. Cette distance qui nous sépare d'eux, et qui peut être à l'origine de frictions intergénérationnelles, elle trouve peut-être son origine dans le fait qu'on oublie de se mettre à leur place dans leur pantoufles en phentex. Dealer au quotidien avec sa mort, incapable de le concevoir jusqu'à ce que le temps nous y contraigne.

La prochaine fois que vous verrez votre grand-maman piquer une colère parce qu'elle a oublié ses cigarettes et que "les Benson, c'est pas pareil que les Craven A", imaginez-vous dans quarante ans. Vous serez pareils.

16/05/2010

Vingt ans après

Chauffeur: Pis, comment tu trouve ça l'Albanie?

Moi: Ah, ben les gens sont super fins, mais.....euh...tsé pour être honnête, la pauvreté elle est frappante dans votre pays.

Chauffeur: ....

Moi (qui rame): ....En même temps, c'est pas évident se relever après tout ce que vous avez connu.

Chauffeur: Ouais mais ça fait vingt ans que c'est fini le communisme.

Ouin...j'avoue.

08/05/2010

On se parle dans une semaine, l'Albanie m'attend. En solo, bien entendu.

Je suis heureux

Quand ça arrive, ça mérite d'être dit à voix haute. Non?

07/05/2010

Titi titi tout,tata titit tout lalala...

J'aime fredonner des chansons à voix haute. J'aime aussi les siffler. Je pense avoir du talent, un je-ne-sais-quoi qui me permet d'envisager une carrière de chanteur, peut-être même d'artiste.


Étrangement, la plupart des gens qui me connaissent ne sont pas du même avis. En fait, m'entendre chanter ou siffler les rend rouges de nervosité. La violence avec laquelle ils me disent de me la fermer me fait même douter de leur amitié. Mais j'ai appris à m'en remettre. Parce que c'est plus fort que moi, le jukebox que j'ai dans la tête me condamne à chanter ou à siffler les airs qui tournent en boucle dans mes neurones.

Probalement que j'ai négligé les top 5 ces dernières semaines, car j'ai ressenti l'irrésistible envie d'en faire un 24 heures après celui des chansons-symphonies. Les top 5, on aime. Ça suscite débats, passions, doutes et désaccords. Et désaccords, pour ce qui est de ce top 5, il y en aura. Parce que des chansons, je n'ai pas peur des euphémismes, il y en a beaucoup. Je vous propose les cinq les plus amusantes à chanter et/ou à siffler. Rien que ça. Longuement médité en prenant ma douche hier.

1. La mauvaise réputation, Georges Brassens.

2. Requiem pour un twister, Serge Gainsbourg. (Pas trouvé la version originale sur Youtube)

3. La chanson d'ouverture d'Astérix.

4. Hey Jude, The Beatles. Pas besoin du link, hen?

5. Give it to me baby, Rick James.

Et la chanson anti-fredonnage par excellence: Blue rondo a la turk, Dave Brubeck quartet.

Essayez de suivre le sax...

06/05/2010

Ari Gold serait-il capable d'autant de sagesse?

De Jeremy Piven, l'interprète du flamboyant personnage:

"People won't remember what you did or what you said rather how you made them feel."

05/05/2010

Chansons-symphonies

Ce sont des chansons qui vous tiennent sur le bout de votre siège comme si vous étiez au cinéma. Sans répit. Elles prennent des virages inattendus à 5 minutes 16, 6 minutes 32, ou 8 minutes 43. Elles vous éblouissent par leurs segments qui si différents soit-ils, sont parfaitement cohérents entre eux. Ce sont des oeuvres de génie.

Pour créer un peu de suspense, ce palmarès sera en ordre décroissant:

5. Ursuline, Malajube. Ce n'est pas pour rien que l'album s'appelle Labyrinthes. Malajube, le meilleur groupe au Québec des dernières années tous genres confondus, a fait de ces chasons-symphonies une spécialité. Suite à Le Compte complet, leur son a gagné en richesse et en complexité. Leur dernier EP Contrôle est encore plus abouti. On dit qu'ils sont dans une période de créativité effervescente. Sounds good.

4. Love like a Sunset, Phoenix: L'album est gentil, hyper accrocheur, du pop-rock assez conventionnel. Mais quand t'arrives à la 5, ça bascule. Un bon 7 minutes de rock inventif sans aucune parole. Tout rendre dans l'ordre par la suite. La 5 n'est qu'une parenthèse dans l'album, ce qui la rend encore meilleure.

3. Leyla, The Cream. Martin Scorsese l'a utilisé dans Goodfellas pour une des scènes les plus marquantes du film. C'est une de ces scènes où l'histoire avance très rapidement au son d'une chanson. Les Américains doivent sûrement avoir une expressions pour les désigner. Ray Liotta parle de Robert de Niro qui est en train de devenir fou et qui tue tout le monde. Au moment où la mélodie change complètement, on voie un cadavre dans un camion à vidanges. Salutations à ceux qui me lisent en mangeant.

2. Paranoid Android, Radiohead. Est-ce que c'est celle-là, la chanson de mon album parfait de tous les temps? J'suis pas sûr, mais elle mérite définitivement une nomination. Après la passe heavy (à 3 min 35), la voix de Thom York est hypnotisante. Mais je ne peux pas dire que c'est la meilleure puisque par défintion, un album parfait n'a pas de meilleure chanson.

1. Stairway to Heaven, Led Zepelin ex aequo avec Bohemian Rhapsody, Queen: La douleur que tu peux ressentir quand vient le temps de décider. C'est comme si on me demandais tortellinis sauce rosée ou pizza pepperoni fromage tous les jours sur une île déserte pour le restant de tes jours. T'as l'aorte qui pompe et la goutte de sueur qui coule le long de la tempe. J'y vais pour Queen, mais je sais que je vais faire de l'insomnie à cause de ça. Et la pizza.

03/05/2010

Mes années 90, c'était...

-Les t-shirts No Fear et Magic Society.
-Les longues tuques avec des écailles de dinosaure/dragon.
-Aller au Red Lobster et choisir son trésor dans le coffre aux trésors.
-La séparation en plein milieu des cheveux façon Nick Carter.
-Piment Fort, Fort Boyard, La Petite Vie, Vazimolo, La fin du monde est à 7 heures.
-La pire décennie du vingtième siècle côté musique.
-Benoît Brunet qui exerce encore un métier pour lequel il a les compétences nécessaires.
-L'âge d'or des films d'action hollywoodiens. Pas de gore, pas d'histoire sans queue ni tête (Death Race par exemple), pas de sous-produit de Jackie Chan. Je pense à The Rock, Face-off, True Lies.
-Parlant de films, les deux révolutions qu'ont étées The Matrix et Jurassic Park.
-Pedro Martinez qui lance pour les Expos.
-Bouge de là animé par Juliette Powell à Musiqueplus. Aussi, l'éloquence de Malik Shaheed et la profondeur d'Anne-Marie Losique.
-Les saisons 31-40 de Watatow.

01/05/2010

Aller à L.A. pour un rasage

J'aimerais faire un voyage un peu stupide un jour. En entrevue à Tout le monde en parle l'an passé, Jean Leloup parlait de la fois où il était allé en Australie dans le village le plus ordinaire, seulement pour contempler la vie des gens dans toute sa platitude. C'est aussi grisant que stupéfiant de penser qu'on puisse dépenser autant d'argent pour une telle expérience. Ça donne la douce impression que l'argent n'a pas de valeur. Tiens, aujourd'hui je vais jeter un euro à la poubelle, juste pour le feeling. Après, je vais planifier mon week-end à L.A. pour aller me faire raser.




30/04/2010

La concentration de Casseau

Mihaly Csikszentmihalyi, tout comme moi, a la
(mal)chance d'avoir un nom peu commun. Dans sa colonne qualités, en plus d'avoir la capacité de faire froncer les sourcils des gens en se présentant, monsieur C. peut se targuer d'être un psychologue renommé. Son oeuvre phare, Vivre: La psychologie du bonheur, n'est pas un livre de développement personnel comme on pourrait le penser. Je vais vous résumer les quelques trois cent pages en deux paragraphes si vous le voulez bien. C'est le genre de défi que je devrai relever si je veux devenir la prochaine sommité en journalisme.

On veut tous être heureux. En gros, c'est ça le but, non? Comment on fait? C'est ce ton pragmatique qui nous accroche dès les premières pages. Celui qui fait oublier les préjugés des sceptiques purs et durs de mon espèce. Étonnament, la réponse n'est pas la méditation, apprécier le moment présent ou faire un pèlerinage au Tibet. Thank God! La réponse c'est la concentration. Une denrée rare en 2010. C'est tellement mieux l'hyperactivité et la surstimulation. Une concentration, donc, qui nous fait oublier tout autour de nous. Mais cette concentration demande plus qu'un peu de volonté. Après tout, en se bottant le derrière, on pourrait être heureux juste en étudiant à condition d'y mettre un peu d'ardeur. Il faut trouver la tâche ou l'activité qui nous demande un effort autant qu'elle nous procure un buzz d'accomplissement. Autrement dit, une journée à La Ronde ne nous rendra pas plus heureux que d'étudier

Avant d'entrer dans les détails, un petit commentaire qui va vous réjouir. Tout le monde peut être heureux! De l'aspirant plombier au fonctionnaire de carrière. LE prérequis, qui est aussi LA question d'une vie, c'est de trouver sa zone de confort, sa vocation. Ça pouvait quand même pas être facile...Selon Monsieur C., la majorité des gens associent le bonheur à des situations qui les plongent dans une sorte d'état second, ce qu'il appelle l'expérience optimale ou Flow. C'est une sensation d'immersion totale, dans laquelle tous leurs talents sont solicités. C'est aussi exigeant que gratifiant. Une relation directement proportionnelle, voire exponentielle. La rencontre de l'effort et du buzz. C'est quand un séducteur redoutable cruise avec appétit. Quand un cycliste déterminé monte le col de la Pierre Saint-Martin. Quand François Pignon construit son Derrick Bo Derek ("37, Les tubes de colle, 37!"). Entre François Pignon et un séducteur redoutable, il y a un canyon, vous en conviendrez. C'est bel et bien pour tout le monde le bonheur.

Ce soir, j'avais comme projet d'être responsable, c'est-à-dire étudier et en être fier. J'ai décidé d'écrire pour deux raisons. Primo, je ne vis pas l'expérience optimale quand je lis sur la perte d'influence des acteurs étatiques dans le contexte du régionnalisme est-asiatique. Mon bac s'achève, courage...Deuxio, Jean Dion faisait hier une comparaison sur son blogue entre la performance des derniers jours d'Halak et celle de Patrick Roy en 86. C'est l'entrevue avec Casseau qui m'a rappelé le livre de Mihaly -le ptit nom de Monsieur C. si vous suivez. Patrick-E-Roy parle à plusieurs reprises de sa concentration lorsqu'on lui demande comment il a réussi à stopper autant de lancers. Canadien a gagné la coupe cette année-là, en grande partie grâce à lui.

Pour ceux qui sont moins portés vers la psychologie, le vidéo en vaut la peine.