22/01/2013

La peur du déluge

Lorsque Dieu s'est manifesté et que l'on a annoncé le retour de notre sport national au début de 2013, je n'avais aucune idée que le hockey du mardi soir Coors Light allait provoquer en moi autre chose que de la fébrilité, surtout pas cette émotion vive avec laquelle je viens de renouer, une "sensation dans la région" comme dirait l'autre. Tout à l'heure, RDS dédiait son reportage à Richard Garneau, rejoignant l'ensemble des témoignages élogieux qui avaient fait le spin médiatique des derniers jours.

À l'annonce de sa mort, j'ai retrouvé un sentiment qui m'a habité à plusieurs reprises dans ma vie de jeune adulte. Une admiration pour les Anciens qui nous quittent, doublée d'une crainte qu'ils emportent avec eux des valeurs à jamais perdues. C'est comme si regarder parler Richard Garneau me renvoyait en pleine face les travers de notre époque. Notre narcissisme démesuré. Nos penchants commorbides pour l'instantanéité et la facilité.

Je me découvre un côté conservateur. L'excellence ne compte plus pour les gens de mon âge. Être pessimiste, je dirais que nous sommes une génération perdue qui produit de la télé-réalité, des chefs improvisés et des retweets. À l'âge où Xavier Dolan tourne de longues publicités Nike sur son mal-être, Marie-Victorin peaufinait sa connaissance de la botanique en vue de l'écriture de son encyclopédie. J'exagère juste un peu.

Sont-ils vraiment derrière nous ces Anciens? Ceux qu'on voit dans les extraits de télévision des années 60 qui parlent un français riche et impeccable. Jacques Godbout, Bernard Derome, Gilles Vigneault et les dizaines d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit spontanément. Ou alors c'est ça le piège du conservatisme, des grognements face à ce qui vient, une nostalgie fondée sur un passé en partie inventé.

"Cette époque est la nôtre et nous ne pouvons vivre en nous haïssant" a dit un jour Albert Camus, probablement avec un grand soupir de soulagement après une séries de journées difficiles. Peut-être que Xavier Dolan a une vision profondément singulière, qu'il donne carte blanche à son intuition et qu'on devrait lui pardonner certains excès. Quant à la programmation du canal Zeste, si ça fait des soupers créatifs dans les chaumières québécoises les soirs de fin de semaine, qui s'en plaindra? On apprécierait seulement un peu de travail au niveau des onomatopés qui viennent combler les lacunes de vocabulaire.

On sera donc mesuré dans nos propos, qui peuvent parfois prendre les raccourcis du fatalisme. Si l'on souligne autant le départ de M. Garneau, c'est peut-être le signe que nous connaissons encore la valeur qu'ont l'humilité et la passion authentique chez un être humain. S'inquiéter de leur disparition me semle être un signe de santé collective. Le grand déluge de la modernité attendra.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire