11/06/2010

Privé, heureux.

L'irritation gagnent les endroits les plus vulnérables de mon corps, mon coeur crie à l'aide, mon esprit est assailli par toutes sortes de pensées. C'est la même chose à chaque course. Surtout, c'est le 5 septembre qui me fait rêver autant qu'il m'angoisse. Tantôt moi qui me projette dans trois mois débordant d'émotions, tantôt la peur des obstacles qui pourraient m'empêcher de réaliser cette folie. Ces obstacles qui me hantent, c'est une température de 35 degrés celsius à l'ombre le jour de la course, un rhume ou une intoxication alimentaire à La Moulerie une semaine avant, une cheville foulée au basket, un vélo qui me rentre dedans, un tueur en série qui m'assassine sans raison. J'étais décidé à arrêter toute consommation d'alcool pour le dernier mois, j'evisage maintenant la glaciation.

La course, c'est aussi la période de gestation des chroniques. Les idées de phrases qui rentrent, s'accrochent ou sortent de mon esprit. La cohérence de mes pensée est inversément proportionnelle à la détresse de mes jambes. Mon mental perd de son toughness dans les côtes en montant, ou durant les strides, ces sprints de 100m qui te liquéfient les mollets. Le tout culmine en un moment d'insoutenable pression durant lequel la douleur, si vive, pulvérise la frontière entre le corps et l'esprit et s'empare de tout mon être. Il ne s'agît alors que de tenir bon, de se dire que "ça va aller mieux tantôt". Et quand tout est fini, comme dans un conte de fée, ça va effectivement mieux. Une leçon de vie en soi. Les idées se remettent en place. Puis, la douche, les étirements, les pâtes et une histoire courte de plus.

Je suis arrivé à mi-chemin de mon entraînement de six mois lundi dernier. Ce que j'apprécie tant de l'expérience à date c'est, tenez-vous bien, toutes les choses auxquelles j'ai dû renoncées. Faut dire que courir m'ennuie pour mourir. Manger du pain intégral et faire une place à mon entraînement dans mes journées surchargées, ça par exemple... Aucune autre phrase ne saurait le dire mieux: la privation m'enchante! Tellement que j'en fais plus que ce qui est dit dans mon livre. Je suis convaincu, par exemple, que de manger des pâtes intégrales a un effet à peu près nul sur mes performances. Pas grave, j'ai la soif de vaincre d'un Michael Phelps à Pékin. Je me trouve bête, ça me fait rire.

Ça fait longtemps que j'ai découvert les joies de la privation. Les expéditions de canot de mon adolescence m'ont tout appris. À seize ans, l'idée de partir vingt-et-un jours avec deux paires de boxer et du thon en boîte dans mon sac m'intriguait autant qu'elle m'effrayait. Mon confort et l'abondance dans laquelle j'avais été élevé allaient en prendre un coup. Je passerais de pacha à coureur des bois. Aujourd'hui, j'en garde des souvenirs magiques. Jamais je n'ai eu de discussion à propos de sous-marins géants poulet-teriyaki à nouveau. Ni fantasmé autant sur une douche chaude. Ni apprécié autant une paire de bas sèche après une journée à être agressé par une pluie incessante. Ces plaisirs-là sont impossibles sans la privation, sans l'absence de ce que l'on désir tant. Que nous répondrait Buda, pour qui désir est synonyme de souffrance? Un ténébreux débat philosophique s'annonce.

Ce dont je suis sûr, c'est que l'abondance peut être la pire des menteuses parfois. Parce qu'elle est si éblouissante, elle nous rend aveugle. La richesse nous entoure, mais on est incapable d'en extraire tous les fruits. C'est un drame. Je pèse mes mots.

Ce qui est génial à propos de la privation, c'est que c'est très abordable. Quoique ce n'est pas toujours le cas...J'ai du venir m'établir en Slovénie pendant cinq mois pour qu'elle s'insère dans mon quotidien. Outre l'entraînement, ma vie à Ljubljana regorge d'exemples de plaisirs qui jamais ne serait possibles dans ma bulle montrélaise. J'ai souffert durant le premier mois d'infernales courbatures dûes à mon oreiller incapable de m'offrir confort et apaisement en route vers le pays des rêves. Contrairement aux pâtes de blé entier, cette privation était on ne peut plus involontaire. Mes talents d'écrivains sont trop encore trop limités pour vous expliquer le bonheur que m'a procuré le coussin de chaise de patio acheté début avril. Je l'utilise et le chérie tous les jours.

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