11/09/2010

Magazinage

Les magazines sont mon dada. En fait, ce sont les éditions spéciales des magazines consacrées à un sujet particulier que je ne peux m'empêcher d'acheter. Ce format permet d'effleurer un segment de l'Histoire, de pénétrer dans l'univers d'un personnage, ou encore de se poser des questions plus en profondeur. Malheureusement, le livre en prend un coup de nos jours en partie à cause de son frère cadet.

Je ne sais plus trop de qui est l'idée, mais la voici. Avec l'apparition des médias en continu, les journaux ont perdu leur monopole de relayeurs d'information au jour le jour, les poussant à se trouver une nouvelle raison d'être. D'où la métamorphose qu'a connue La Presse il y a quelques années. Les "grands" dossiers tels que "Trois nuits dans la peau d'un propriétaire de dépanneur" tapissent désormais l'espace qui était autrefois réservé aux simples nouvelles, quand ce n'est pas une publicité. C'est ce qu'on appelle la magazination des journaux. "Nivellement par le bas" est aussi approprié. Menacés, les magazines ont à leur tour répliqué en misant sur des numéros qui creuseraient un sujet plus en profondeur, allant ainsi jouer dans les plates-bandes de ce vestige du cambrien qu'est le livre.

Un calcul redoutablement juste. Nous évoluons dans un monde qui a horreur de la lenteur. Or le livre a le défaut de développer une idée, jusqu'au bout. Le magazine, lui, va à l'essentiel, synthétise. Pour quiconque a la curiosité affutée, dès lors, le magazine permet de bouffer un sujet beaucoup plus rapidement. Et de passer à un autre, et ainsi de suite. C'est -une partie de- l'histoire de ma vie. Une visite chez Multimags provoque à chaque fois une grave hémoragie dans mon compte en banque déjà leucémique.

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Deux suggestions qui ne viendront pas déranger les livres, des magazines qui le sont restés:

1. Philosophie Magazine regorge d'articles pertinents, éclairants et tout à fait digérables. Combien de fois faudra-t-il le répéter, n'ayez pas peur de la philosophie. Le numéro de cet été, toujours disponible, demande s'il est possible de changer de vie. Les témoignages d'un avocat devenu psychothérapeute, d'un alcoolique sauvé par Nietzsche et d'un photographe de mode devenu moine sont renversants. Et François Julien, spécialiste de la pensée chinois, sur la fiction qu'est le choix de changer de vie:

Q: À vous lire, on a le sentiment que rien n'est moins chinois que l'idée sartrienne de l'acte radical qui engage une vie...

R: Je constate que domine, en Europe, une conception de la vie à partir de l'action, et donc de la liberté qui permet ce choix. Cela nous vient de la praxis des Grecs, de l'épopée, du théâtre. On a appris à isoler un segment de conduite qu'on appelle l'action, avec un début et une fin (...) (les Chinois) ont affaire à de la conduite, à de la régulation, à du cours. (...) il est rare qu'on prenne la mesure de ce long travail qui a eu lieu à notre insu et qui est de l'ordre de la nuance.

2. Changement de décor, Monocle célèbre les villes, l'urbanisme, le beau, le design, et le luxe, celui des nouveaux-très-riches. Petite mine d'or, ce magazine britannique fondé par un Manitobain contient aussi des reportages inusités, comme celui de cet hiver sur une entreprise japonaise qui crée des polices d'écriture que s'arrachent des dizaines de clients à travers le monde. Perfectionnisme et minutie prennent un tout autre sens suite à cette lecture. À découvrir.

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