07/07/2010

Devenir le Parisien

L'émerveillement n'est jamais bien loin en voyage. On s'extasie devant une façade néo-gothique, on plisse les yeux de bonheur en goûtant une gelato au melon, notre mâchoire se disloque à la vue d'un oiseau rare. Les journées sont gorgées de moments intenses, tout va à la vitesse grand V. C'est exaltant, nourrisssant, palpitant. Pendant ces deux ou trois semaines, cet état remplace l'indifférence qui marque nos "vraies" vies. Parce qu'il faut le reconnaître, on vie des joies et des peines, mais entre les deux, une bonne partie de notre existence se fait sur le pilote automatique.

Ce qui change au fond, c'est plus nous que le décor. Bien sûr que la Sagrada Familia est plus émouvante que le Dix-trente. Le pesto de Gênes est à des années-lumière de celui acheté au IGA. Le premier se mange compulsivement à la cuillère, le deuxième moisit dans mon frigo depuis des mois. L'exotisme et la beauté sont des variables incontournables dans l'équation. Néanmoins, les plaisirs du voyage nous seraient hors de portée sans notre prédisposition à nous émerveiller. Le touriste, en effet, est une éponge. Il scrute son environnement à la recherche de ce qui le fera tressailler. Chaque endroit balayé par son regard curieux détient le potentiel de l'envoûter. Un vrai détective, prêt à tout pour résoudre l'énigme d'une cutlture étrangère.

Transportons nous à Paris l'instant d'un exemple. Curieux quand même que l'homme à la bouteille d'eau et à la caméra soit en transe face à la tour Eiffel alors que le Parisien puisse passer à côté en l'ignorant. Vous me direz que le Parisien la voit à tous les jours. N'en reste pas moins que la tour Eiffel, c'est comment dire, assez...beau. La question qui me semble beaucoup plus pertinente, c'est comment peut-on arriver à s'habituer à autant de beauté. Le Parisien ne pourraît-il pas à la manière du touriste se réjouir matin après matin de côtoyer un tel chef-d'oeuvre. Cette réjouissance a-t-elle une date de péremption?

Cette idée, c'est Alain de Botton qui la développe dans un livre fo-rmi-dable. J'ai parfois tendance à m'emporter, mais ce livre, c'est juré, a changé ma vie l'été dernier. C'est son but avoué d'ailleurs.

J'en parle parce que mon séjour à l'étranger était l'opportunité idéale pour mettre en pratique la philosophie de de Botton. En effet, je débarquais dans une nouvelle ville avec laquelle j'aurais d'abord un rapport de touriste et que j'apprivoiserais ensuite. Je serais l'homme au chapeau puis éventuellement le Parisien. En fait non, l'expérience consistait à savoir si je pourrais éviter le piège de devenir le Parisien. Faire en sorte que le buzz des premières semaines ne s'interrompe jamais. Et puis le mettre dans mes valises et l'apporter jusqu'ici. J'ai relevé le défi à l'étranger, c'était somme toute assez facile. Reste à savoir ce que me réservent les prochains mois.

Faire de notre vie un voyage, c'est ce que de Botton propose pour être heureux. Le monde, les choses, les gens, la réalité bref, c'est la matière première. À nous d'en faire quelque chose qui en vaut la peine.

(...)

Si ça vous intéresse, j'écris depuis presque deux mois au son des mêmes mélodies. Ça s'appelle Woody Allen Movie Music. C'est la musique des films de...vous aviez compris. Si le jazz peut parfois être l'équivalent de lire du Hegel en allemand pour les oreilles, celui de la Nouvelle-Orléans chéri par le réalisateur aux mille angoisses est très apaisant. C'est comme si les années trente sortaient des haut-parleurs de mon ordinateur. Idéal avec une Corona et une canicule.

1 commentaire:

  1. Ton paragraphe de comparaison est absolument à croquer! C'est tellement vrai comment des tout petits plaisirs font toute la différence (ou presque)! Sans le savoir, je m'efforce à appliquer la vision de de Betton depuis mon retour! Ça marche parfaitement jusqu'à date! Il suffit juste de changer notre pattern de déambuler dans les rues et le tour est joué!
    Je m'en vais pirater Woody. Peut-être que ça m'aidera à surpasser ton niveau de plume : )

    RépondreSupprimer